23.2.21

Roi par effraction – François Garde

 

Rien ne prédestinait Joachim Murat, ce fils d’aubergiste du Quercy, au destin hors du commun qui fut le sien. Chassé du séminaire pour s’y être battu, il s’engagera bientôt dans la cavalerie, lui l’amoureux des chevaux, dont il sera rapidement exclu pour indiscipline. L’histoire aurait pu s’arrêter là. C’était sans compter sur les temps fortement troublés de la Révolution et d’une capitale en ébullition qu’il avait rejointe pour s’engager dans la Garde Nationale.

Repéré par un jeune général dont on commence à parler beaucoup, Napoléon Bonaparte, il est envoyé en toute hâte chercher les canons que l’on fera tirer sur les insurgés. Sa bravoure, sa rapidité, son sens de l’à-propos le font sortir du rang. Le voici intégré à l’Etat-Major de Bonaparte. Lorsque ce dernier s’empare définitivement du pouvoir, Murat se distingue sur tous les champs de bataille à la tête de ses hussards. Défiant les habitudes, il excelle à lancer des manœuvres aussi braves que déconcertantes, souvent déterminantes pour la victoire finale.

Sa deuxième chance sera d’être l’élu de Caroline, la sœur benjamine de Bonaparte. Elle le choisira comme mari plus qu’il ne la choisira comme épouse. Dès lors, la voie est tracée qui fera de lui un Maréchal de France, le chef de l’Amirauté et, enfin, le Roi de Naples, une ville qu’il adore.

Mais trop de bravoure et une loyauté mal placée envers celui que l’Europe a décidé d’abattre finiront par avoir raison de lui. Arrêté le 8 octobre 1815 après un débarquement en Calabre à la tête d’un minuscule détachement en vue de reconquérir l’Italie qu’il a perdue en même temps que Bonaparte perdit son trône, le voici enfermé dans une minuscule citadelle où il se sait condamné à mort d’avance. Il ne lui reste alors que six jours à vivre. Autant de prétextes à six chapitres où le quotidien du prisonnier est principalement confronté aux souvenirs, aux regrets, aux sentiments profonds qui habitent l’homme qui a tout perdu.

A l’issue d’un procès stalinien avant l’heure, il finira fusillé par un peloton d’exécution dont il commandera lui-même le tir, geste ultime de défi et de bravoure. C’est ce personnage désormais oublié, peu cité dans les livres d’Histoire malgré le rôle crucial qu’il joua pour son chef, en quête d’une reconnaissance verbale de ce dernier qui ne vint qu’une fois en tant d’années de service, que remet en lumière François Garde. La langue y est sublime et la construction haletante, à l’image de la vie d’un homme hors du commun. Admirable.

Publié aux Editions Gallimard – 2019 – 297 pages

15.2.21

Bakou, derniers jours – Olivier Rolin

 

En 2006, Olivier Rolin publiait une fiction drolatique intitulée ‘Suite à l’hôtel Crystal’. Il y imaginait sa mort dans une chambre de l’hôtel Apchéron (un nom aux senteurs proches du fleuve que traversaient les morts de l’Antiquité, une pièce dans la bouche afin de payer le passeur) à Bakou. Histoire d’enfoncer le clou, le roman fut même accompagné d’un bandeau « Olivier Rolin (Boulogne-Billancourt , 1947 – Bakou, 2009) ».

Quelques années plus tard, ignorant les avertissements de ses amis lui intimant de ne pas se rendre dans cette obscure capitale de l’Azerbaïdjan où l’on pourrait bien vouloir attenter à sa vie pour de vrai, l’infatigable voyageur qu’est Olivier Rolin prit l’avion pour tenter de vérifier par lui-même si la balle de 9 millimètres censée lui avoir ôté la vie de manière fictionnelle trouverait ou non une concrétisation dramatique.

Or, quoi de mieux pour une nouvelle aventure humaine et littéraire qu’une ville située loin des circuits touristiques, capitale d’un état pétrolier totalitaire dans laquelle d’improbables édifices princiers au goût contestable ponctués de gigantesques statues à la gloire du père de la patrie soulignent le culte mégalomaniaque de la personnalité de son dirigeant népotique ?

Voyager avec Olivier Rolin c’est accepter les rencontres inattendues avec des personnages bigarrés, au passé souvent douloureux, à l’âme sarcastique et d’une expérience ou d’une culture à même de se confronter à celles, abyssales, de leur interlocuteur. C’est accepter encore de fréquenter les hôtels peu glamour et les restaurants vides, un brin crasseux mais au charme indicible dont ces contrées semblent regorger. Bref, c’est se fondre dans une pérégrination où lectures, discussions, impressions et réflexions se mélangent et s’alimentent sans cesse les unes des autres pour former un univers poétique fascinant, à nul autre pareil. Une approche qui donnerait presque envie de courir vers cette ville un brin sulfureuse au passé mouvementé dont l’auteur nous donne à découvrir certains de ses hauts-lieux au gré des photographies qu’il y prit pour illustrer régulièrement son propos du moment.

Publié aux Editions Seuil - Fiction et Cie – 2010 – 175 pages

1.2.21

La neuvième heure – Alice McDermott


Dans ce quartier très catholique de Brooklyn, chacun se débrouille comme il peut d’une existence qui n’apporte que peu de joie et bien des souffrances. Jim, un homme ravagé depuis toujours par la mélancolie, venant d’apprendre que ses absences répétées lui valaient son licenciement des chemins de fer locaux a décidé d’en finir. Il s’en faudra de peu que le gaz auquel il a décidé de recourir pour se suicider ne fasse sauter son immeuble. Sa femme, enceinte et sans ressource, trouvera son salut dans l’intervention de Sœur Saint-Sauveur, l’une des religieuses du couvent du quartier dont l’ordre n’a de cesse que de prodiguer soins et secours à tous les pauvres et les nécessiteux qu’un monde sauvage et en pleine expansion produit en nombre croissant.

 

Chapitre après chapitre, Alice McDermott plonge avec douceur et délicatesse dans un monde où tout semble régi par le don de soi. Un monde où la jeune veuve et sa fille Sally vont devoir trouver leur place. Un monde où derrière l’apparence se cachent aussi les limites humaines, les jalousies, les petites ambitions personnelles, les vexations et un peu de rudesse qui forme une inévitable protection envers la misère sans cesse côtoyée.

 

Au-delà de la peinture des actes quotidiens prodigués par des femmes admirables et respectées, c’est la question fondamentale de la vocation qui sera posée dans ce roman. Comment et pourquoi décide-t-on de sacrifier son existence à un idéal religieux ? Qu’est-ce-qui nous y fait renoncer alors que l’on se croyait fondamentalement appelée ? Une question qui sera abordée tantôt par le récit amusant des parcours de certaines de ces Sœurs qui les mèneront à des endroits fort différents de ce à quoi elles aspiraient. Un questionnement que nous suivrons de près, comme un chemin de croix de mise à l’épreuve d’une Sally adolescente qui, parce qu’elle a finalement passé toute sa jeune existence parmi les Sœurs, qu’elle en subit et l’influence et la gentille pression, se pense à son tour appelée par le Seigneur. Mais il faut une force inébranlable pour s’élancer dans une voie de renoncement et de service. Peu nombreuses seront les Élues.

 

Sans être exceptionnel, ce dernier roman d’Alice McDermott nous donne à voir le monde des petits et des exclus, les stratégies pour trouver un peu de joie et de réconfort dans un monde qui en offre peu ainsi que l’admirable travail réalisé par celles qui ont donné leurs vies pour les autres.

 

Publié aux Éditions Quai Voltaire – 2018 – 282 pages

27.1.21

Opéra sérieux – Régine Detambel

 

Rendre compte des voix, surtout si elles servirent les plus belles pages lyriques, est un exercice littéraire des plus délicats. C’est pourtant le défi que s’est lancé Régine Detambel dans son court roman « Opéra sérieux ». Un ouvrage entièrement consacré à Elina Marsch, la fille du ténor préféré de Janacek, née en 1926.

 

La naissance d’Elina causa la mort, lors de l’accouchement, de sa mère le soir même de la création de l’Affaire Makropoulos où triompha son père. Ce dernier n’étant pas homme à rester célibataire, Elina vécut parmi les nombreuses maîtresses d’un ténor qui avait autant de succès sur scène qu’auprès des chanteuses qu’il côtoyait.

 

Très vite, Elina montra de réelles prédispositions pour la musique et le chant. Après avoir émigré avec son père aux États-Unis pour fuir le nazisme, elle fut l’élève de Katleen Ferrier et devint rapidement une soprano recherchée sur les scènes internationales pendant que son père de son côté perdait sa voix et finit par tomber dans l’oubli.

 

Au-delà de ces quelques éléments biographiques qui servent de trame générale au récit, Régine Detambel s’intéresse avant tout aux voix intérieures qui agitent l’esprit troublé d’Elina. Tout commença par un mutisme total, dans les années d’enfance, que seul l’apprentissage et la pratique progressive du chant libéra. Marquée par l’absence de mère, Elina dut s’accommoder des multiples conquêtes d’un père volage et supporta mal la mort de la dernière épouse américaine de celui-ci, danseuse recherchée, en laquelle elle avait fini par trouver une mère de substitution. Lorsqu’un problème aux cordes vocales l’obligea à quitter la scène, ses démons intérieurs prirent le pas et finirent par la mener en pleine folie et à commettre des actes terribles qui amenèrent à la retirer définitivement de la société des hommes.

 

L’auteur parvient habilement à rendre compte aussi bien du tourbillon excitant qu’entraîne le succès artistique international que de la déchéance morale, psychologique et physique qui va finir par précipiter une star du côté sombre de la scène.

 

Publié aux Éditions Actes Sud – 2012 – 136 pages

21.1.21

L’inconnue du 17 mars – Didier van Cauwelaert

 

L’œuvre de Didier van Cauwelaert emprunte depuis toujours des chemins de traverse. Quand ses livres ne nous parlent pas des animaux ou de la vie cachée des plantes, c’est qu’il a saisi une actualité brûlante, un fait divers, une humeur pour en faire une histoire originale destinée à nous interpeler et à nous faire réfléchir. Son dernier roman n’échappe pas à cette règle, bien au contraire !

 

17 mars 2019 : une date qui devrait marquer le XXIème siècle. Pour la première fois, un confinement général, total, est prononcé en raison d’une crise sanitaire, celle provoquée par la Covid-19, qui menace d’emporter notre système de santé. Pour la première fois, le monde s’arrête et des milliards d’hommes et de femmes se trouvent confinés de force pour de nombreuses semaines.

 

Ce jour-là, Lucas, un SDF qui a choisi la rue comme remède à une vie faite d’échecs sentimentaux et professionnels, va voir sa vie bouleversée. Renversé par une voiture, il se retrouve propulsé dans un univers parallèle, en prise directe avec le sosie de son amour de jeunesse débarquée d’une autre planète. Une extra-terrestre chargée par une assemblée de sauver notre planète en employant un moyen inédit : créer et diffuser un virus faiblement létal mais à propagation rapide en vue d’éveiller les consciences humaines et de les appeler à cesser de massacrer la Terre qui les nourrit. Un message pour agir avant d’être balayé, la prochaine fois, par un nouveau virus autrement plus mortel.

 

La mission de Lucas est simple : sauver le monde en trouvant le remède, non pharmaceutique, naturel, écologique mis au point des années avant par le parent qui l’a recueilli, orphelin, et élevé avant de mourir assassiné dans son château.

 

Présenté comme tel, le roman de Cauwelaert pourrait s’apparenter à une grosse farce. Que nenni, il s’agit plutôt d’un très beau conte philosophique à la manière de Voltaire ou des Lettres Persanes. Un conte pour nous appeler à ne pas nous laisser broyer par un climat anxiogène où nos libertés individuelles sont de plus en plus laminées, jour après jour, au motif d’une urgence sanitaire. Une histoire drôle et émouvante, loufoque et originale pour nous rappeler, comme le déclare l’auteur, qu’en période de crise, trois vertus restent essentielles pour réagir et s’en sortir : l’esprit critique, la faculté d’émerveillement et la capacité à rebondir.

 

Une histoire où le complotisme n’est cependant pas loin même si l’auteur s’en défend et préfère parler d’études scientifiques disponibles et consultables, d’expériences probantes que les lobbies en tous genres dénigrent car mettant en péril leurs intérêts privés. On laissera le soin à chacun de se faire sa propre opinion sur le sujet.

 

Quoi qu’il en soit, « L’inconnue du 17 mars » fait souffler un vent de fraîcheur, une brise d’optimisme en ces temps sombres où désespoir, peur, exclusions se combinent pour former un cocktail des plus dangereux pour nos démocraties…

 

Publié aux Éditions Albin Michel – 2020 – 168 pages

 

14.1.21

Le Brésil de Bolsonaro : le grand bond en arrière – Points de vue du Sud

 

Rassemblant une compilation d’articles de chercheurs internationaux, ce riche fascicule vise à mettre au jour les raisons fondamentales qui ont porté un inconnu outsider au pouvoir de l’une des plus grandes puissances économiques mondiales. Vu de l’extérieur, il est sidérant de constater que le nouvel homme fort du Brésil est un ancien capitaine, chassé de l’armée après avoir menacé de faire sauter des bombes dans les casernes, élu député pendant 28 années durant lesquelles il s’est fait remarquer par la vacuité de ses contributions et la seule défense des intérêts partisans de ses anciens frères d’arme, un homme inculte, grossier, raciste et misogyne, dont chaque sortie constitue une nouvelle provocation contre la morale et les règles sociales élémentaires.

 

Les raisons de cette ascension sur lesquelles ces chercheurs s’accordent sans exception sont pourtant limpides. Au premier rang figure le naufrage collectif de la gauche. Un naufrage marqué par une série de scandales politiques mêlant affaires de corruption à grande échelle, règlements de comptes fratricides, procès politique de Lula, coup d’état ayant conduit à la destitution digne d’une opérette de la Présidente Dilma Roussef. L’interdiction faite à Lula de se représenter aux dernières élections un mois tout juste avant le premier tour laissa la gauche paralysée et ouvrit un boulevard à la droite. Un boulevard où s’engouffra Bolsonaro qui usa à outrance des réseaux sociaux pour diffuser fake news en tous genres et déstabiliser tous ses adversaires. Un boulevard qui s’élargit après la tentative d’assassinat à son encontre qui lui gagna sympathie et lui servit de prétexte pour refuser toute participation au moindre débat qui aurait révélé sa nullité absolue. Face à lui, la droite traditionnelle ne sut pas réagir et finit par se ranger derrière cet homme inattendu sorti vainqueur du premier tour. Une alliance rendue possible par la promesse faite à la bourgeoisie, qui vota massivement pour lui, et au monde de l’entreprise de casser l’État rendu responsable de tous les maux du pays, sauf pour ce qui est de la sécurité et de la lutte contre toute forme de délinquance. Le tout supporté par la puissante Église Évangélique qui prêcha outrageusement et sans vergogne pour un candidat disant vouloir faire de Dieu, la Famille et la Patrie la totalité de son programme…

 

Le résultat de cette élection est des plus catastrophiques pour le pays. La quasi-totalité des avancées sociales résultant de vingt années de lutte a été anéantie. L’école est placée entre les mains du privé. Les budgets pour l’enseignement ont été réduits à quasiment néant. Des parcs naturels et les fleurons de l’économie nationale jusque-là détenus par l’État sont cédés à des entreprises privées nationales ou étrangères. L’Amazonie est massacrée. Le droit des minorités bafoué, les révoltes écrasées dans la violence. Jamais le nombre de décès causés par la Police qui n’hésite pas à faire justice de manière la plus expéditive qui soit, n’a été aussi élevé. Le droit des femmes, des minorités est laminé. Le tout justifié par une prolifération de mensonges, d’accusations sans preuves rejetant toute responsabilité sur un ennemi : le monde occidental et le communisme, tout dans le même sac.

 

Face à la contestation internationale et du fait d’une gestion de la crise sanitaire désastreuse ayant fait du Brésil l’un des pays comptant le plus fort taux de décès pour cause de Covid-19, la position de Bolsonaro commence à être fortement exposée. Certains n’hésitent plus à parler ouvertement de destitution d’un homme qui sape les fondements de son pays. Après la défaite et la fin de règne honteuse de Trump sur lequel Bolsonaro s’est aligné, le risque est fort de voir l’armée, présente en force et à des postes clé au gouvernement, prendre le pouvoir et instaurer une nouvelle dictature militaire. Tout va dépendre de la capacité de la gauche à mettre de côté ses différends et à s’unir au sein d’un programme mobilisateur, tirant parti de l’état général de déliquescence néo-nazie dans lequel le pays est en train de s’enfoncer.

 

Un ouvrage essentiel pour comprendre, une fois encore, les dangers du populisme qui ronge une part de plus en plus importante d’un monde devenu aussi fou que suicidaire.

 

Publié aux Éditions Syllepsie -2020 – 165 pages

 

9.1.21

Baby Love – Joyce Maynard

 

Attendre un enfant puis prendre soin du petit être qui vient juste de naître peut être source de joie comme d’intense angoisse selon le degré de désir qui a prévalu à l’intention de grossesse. Pour ces femmes qui se croisent dans une petite ville rurale des États-Unis, le chemin menant à la conception aura pris ou prendra bien des allures différentes. Quatre d’entre elles sont des adolescentes dont l’une est mariée à un garçon immature, à dix-huit ans à peine, et déjà mère d’un petit bébé. Une autre est fille-mère, aussi stupide qu’incapable, engrossée par un type qui s’est tiré dès qu’il eut vent de la nouvelle. Une autre encore vient de tomber enceinte après un rapport frustre et frustrant avec un camarade de lycée qui s’est dépêché d’oublier une expérience fortement alcoolisée. La dernière, ange lumineux et plein de douceur, élève seule son bébé auquel elle voue un amour total, intense, d’une dimension presque aussi mystique que ses rêves d’évasion vers un ailleurs aux senteurs libertaires.

 

Pendant ce temps convergent vers cette bourgade deux autres femmes, un peu plus âgées. L’une vient d’acheter une immense propriété où elle vit seule dans le souvenir dépressif d’une relation amoureuse qui a mal tourné tandis que son voisin, marié à la mère d’une des adolescentes, tombe sous son charme mélancolique. L’autre vient passer avec son compagnon enseignant en art et peintre quelques semaines en pleine nature qui vont changer leur vie et la placer sous le signe multiple de la mère et l’enfant après une rencontre avec la jeune mère solaire et son bébé qui va inspirer au peintre un tableau chargé de poids symbolique.

 

Et tout autour de ces êtres en souffrance rôdent des personnages inquiétants et fous dont les desseins inquiétants et psychotiques vont venir se heurter aux vies de plus en plus chaotiques de ces femmes en pleine tourmente et en total désarroi. Car ce roman polyphonique de Joyce Maynard est sombre, très sombre. Il nous donne à voir et entendre la vie et la voix de jeunes femmes dont les vies entremêlées sont brisées. En cause les déceptions amoureuses, le regard tantôt méprisant, concupiscent ou adoratif des hommes sur elles, la difficulté à trouver sa place, le coût de la vie, le sens même de leur existence terrestre. Toutes rêveraient d’une vie idéale, d’une famille stable et aimante, du genre de celle promise par les radios et les télévisions de cette Amérique encore conquérante des années soixante-dix. Toutes sont en train de sombrer dans la désillusion voire le désespoir comme un Baby Love furtif qui se serait changé en un Baby Blues définitif. Car ne sonnent que de vaines promesses tandis que les échecs ne cessent de résonner.

 

Publié aux Éditions Philippe Rey – 2013 – 302 pages