13.8.07

Le magicien (ou l’ultime voyage initiatique) – Rezvani

Voilà un roman aux très nombreuses et réjouissantes facettes : à la fois roman policier, sur fond d’intrigues et de disparitions mystérieuses, roman philosophique et ésotérique qui n’est pas sans rappeler Umberto Eco, roman de science-fiction nous projetant à quelques décennies de notre époque en un monde dominé par une Chine technologique, esthétique et démocratique.

Un bien curieux mélange qui aurait pu mal tourner si ce n’était l’exceptionnel talent de conteur poétique qu’est Rezvani.

Les magiciens du monde entier se retrouvent pour un colloque ésotérique et philosophique dont on sent que le fond vise à délimiter les contours artistiques, humanistes, sociologiques d’une magie poussé à une certaine forme divine. L’attraction du colloque est la présence du fils de Rezvani (tiens, tiens), magicien disparu, absolu et qui a poussé son art à un état inégalé.

Son fils n’a pas voulu reprendre le flambeau et perpétuer l’art de son père. Il est écrivain et a décidé de se joindre au colloque, qui se tient en une effroyable forteresse chinoise nommée Sin-Fou, afin de rassembler des éléments sur la vie de son père et de rédiger le roman de sa vie.

Bientôt, les magiciens les plus doués n’auront de cesse que de convaincre le Fils que les doutes dont il ne cesse de faire preuve vis-à-vis des preuves réitérées de la réalité magique évoquée sous de multiples formes originales voire totalitaires, dogmatiques, n’ont aucun fondement. Commencera alors pour le Fils une lente descente forcée, irrésistible, vers les degrés ultimes de la magie, celle où l’âme s’élève et visite l’envers du monde puis y affronte des dangers inconnus des hommes.

L’exercice est brillantissime. Rezvani nous emporte allégoriquement vers les confins de l’imaginaire et nous interpelle sur les limites entre la réalité du monde, la perception objective que nous pensons en avoir et la subjectivité de ce que nous désirons réellement voir, admettre et comprendre.

Où se situe notre perception objective du monde, qui croire lorsque l’Autre affirme nous avoir vu participer activement à des évènements extraordinaires dont nous n’avons aucun souvenir ? Quelle limite entre magie, religion et philosophie ? Qui détient le vrai pouvoir ? Ce sont autant de questions que Rezvani aborde, par la bande, dans cet ouvrage d’une rare originalité.

Notre sensibilité occidentale, marquée par l’observation des faits, une approche technique et scientifique de la réalité, est ici questionnée. Car la parole influe sur la réalité, le temps est un paramètre modifiable, à la marge, au-delà du mur de Planck. L’approche fondamentalement dictée par une recherche d’esthétique absolue n’est-elle pas une alternative acceptable ? Des ébauches de réponses, qu’il nous appartient de compléter ou d’abandonner, nous sont ici proposées.

Un roman particulièrement intelligent et dont chaque étape surprenante nous amène à nous interroger sur notre relation au monde. A ne pas lire d’un œil distrait, faute de manquer l’atmosphère, l’esprit et la lettre…

Publié aux Editions Actes Sud – 250 pages

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