28.3.08

Chicken Street – Amanda Sthers

Attention, jeune auteur plein de promesses !

Derrière un titre anglo-saxon se cache un roman typiquement contemporain et français. Un beau roman, bien écrit, bien construit pour dire la douleur d’aimer et d’exister quand on n’est pas comme les autres.

Alfred et Simon sont les deux seuls juifs de Khaboul. Ils habitent tous deux dans « Chicken Street » où ils exercent leurs professions. Alfred est écrivain public, maîtrisant plusieurs langues, alors que Simon est cordonnier. Tous deux tentent d’exister, modestement, en célibataires, dans un pays qui se remet à peine de la dictature des Talibans. C’est un choix de vie délibéré, une fuite d’un monde d’horreurs et qui les a rejetés.

Leur seule occasion de rencontre est de se rendre ensemble à l’esquisse de synagogue, chaque vendredi soir, sans se faire remarquer.

Leur vie tranquille et intégrée, dans un pays qui ne portent pas les juifs en son cœur, va s’écrouler le jour où Naema, une jeune et belle Afghane, viendra trouver Alfred pour lui dicter une lettre d’amour au journaliste américain dont elle attend secrètement un enfant.

Dans l’attente d’une réponse qui ne viendra pas, la lettre n’ayant jamais atteint son destinataire pour des raisons que nous apprendrons dans le récit, Naema sait que chaque jour qui passe la rapproche de l’infamie et d’une mort horrible et certaine.

Alfred ne tardera pas à devenir son confident et à s’offrir comme victime expiatoire mais inutile d’un crime qu’il n’a point commis.

C’est avec exigence et talent que l’auteur nous guide dans une société afghane qui s’éveille doucement à la liberté. Celle de pouvoir écouter la radio, celle de se retrouver entre amis ou voisins, celle d’être éduqué. Cette liberté ne comprend pas pour autant celle d’aimer et d’être aimé et encore moins de porter un enfant en dehors des liens sacrés du mariage.

Question d’honneur des mâles de la famille, d’intégrisme religieux et qui ne peuvent se laver que dans une débauche de sang et de violence.

C’est un livre qui invite aussi à réfléchir à l’exigence de fidélité dans le couple, aux décisions qui s’imposent mais qu’on ne veut pas prendre quand tout sentiment pour l’autre s’est éteint, à la distance entre foi et conviction.

Amanda Sthers conserve tout au long du récit la maîtrise de son texte et des évènements alors qu’il eût été facile de sombrer dans le mélodramame inutile. La pensée et l’action restent nobles de bout en bout mais les traditions ancestrales seront malgré tout les plus fortes, l’exigence de violence et de réparation dans le sang l’emportant sur toute concession à la modernité. L’humour grinçant n’étant pas absent, il en résulte un superbe livre à découvrir sans hésitation.

Publié chez Grasset- 218 pages

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