15.8.08

L’année du mensonge – Andreï Guelassimov

L’année du mensonge constitue un excellent moyen d’aborder la littérature russe contemporaine.

Ce roman, construit en quatre parties qui forment les quatre saisons d’une année aux multiples rebondissements, met en scène une galerie de personnages hauts en couleur et très représentatifs de la société russe moderne.

Une société qui a basculé soudainement dans le capitalisme et dans laquelle nouveaux riches et mafieux en tous genres se partagent sans vergogne un pouvoir qu’il faut réinventer.

Ce roman cocasse et débridé met en scène un personnage central, Mikaïl Vorobiov, jeune homme de vingt-trois ans, tout juste licencié d’une société dont on ignore tout ou presque et dont le patron va, contre toute attente, le ré-embaucher, à titre personnel. Sa mission : apprendre au fils du patron, Serguiev, adolescent de dix-sept ans scotché à son ordinateur, à devenir un vrai russe. Son père, soucieux de voir son fils enfermé et asocial, le soupçonne en effet d’homosexualité. Il ordonne à Mikaïl d’en faire un homme. Au programme, cuites en tous genres, femmes et virées. Le crédit est illimité pourvu que les objectifs soient atteints.

Mais l’élève cache bien son jeu et fait entrer en scène une superbe jeune femme, Marina, élève à l’institut où elle répète la Cerisaie de Tchekov, dont il est l’amant. Il saura souvent surprendre son maître et tuteur de par sa ruse son quant-à-soi, son sens des réparties.

Va commencer avec l’apparition magique de Marina, femme fatale, un ballet de séduction et de tromperies. Qui est-elle vraiment ? Qui aime-t-elle et de qui est-elle aimée ? Comment une femme si éloignée de la situation sociale de Serguiev, surprotégé, a-t-elle pu faire sa connaissance ? Plus le roman avance, plus l’auteur nous entraîne profondément dans un univers à la fois glauque et attachant et où les pauvres russes tentent de survivre à la disparition de tous leurs repères traditionnels.

Un monde où mentir est une condition de base pour sur-vivre, où l’esprit d’à-propos fait loi.

Plus la société se modernise, plus elle se délite, laissant la place aux plus rapaces, aux plus forts, aux plus voraces. C’est ce que veut nous montrer à toutes forces Guelassimov qui n’épargne au passage ni les politiques, ni les milieux d’affaires, ni les militaires…

Mikaïl n’avait d’autres choix pour s’occuper du fils de son patron que de mentir. Un mensonge en entraînant un autre, c’est bientôt un enchevêtrement de duperies qu’il va devoir tisser et gérer, manipulant l’un pour mieux tromper l’autre. Jusqu’à se prendre à ses propres pièges…Malgré tout, l’amour, le vrai, sincère et véritable, finira par triompher après bien des difficultés.

Ce roman se déguste un peu comme une vodka frappée. C’est fort, ça réchauffe mais en abuser assomme. Il convient de se ménager quelques pauses sans quoi on finit par s’y perdre un peu dans une myriade de situations et par le parti-pris que de faire narrer les évènements en parallèle, vus par plusieurs des personnages y prenant part.

Drôle, déroutant, acerbe, parfois superbe. Un auteur contemporain russe qui compte et dont on commence à parler…

Publié aux Editions Actes Sud – 378 pages

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