2.8.08

Une touche d’amour – Jonathan Coe

Autant j’avais été emballé par « Testament à l’anglaise », sommet truculent et décalé de littérature britannique contemporaine, autant j’avoue être un peu resté sur ma faim avec « Une touche d’amour ». Un bon livre mais pas un grand livre en sorte.

On y retrouve certains des thèmes qui font la trame de « Testament à l’anglaise » : le rejet du thatcherisme et de la paupérisation galopante que l’attitude politique a alors entraîné, la difficulté à s’assumer comme écrivain et tout simplement la difficulté à écrire, la quête du regard des autres en tant que lecteurs de ce qui a été écrit avec tant de douleurs ou de passion, la condamnation sans appel de la participation britannique aux conflits décidés par les Etats-Unis…

« Une touche d’amour » n’est pas un mauvais livre, bien au contraire. Il est même d’une construction originale dont l’écriture a dû présenter pas mal de difficultés par ailleurs.

Il met en scène un universitaire attardé, non inséré socialement et qui s’est lancé dans un immense projet de thèse dont l’ampleur et la confusion en condamne par avance la possible réalisation.

Le personnage central vit seul car il n’a jamais été capable, voire désireux, de fonder une relation sérieuse et durable. Sauf avec une jeune femme dont nous ne savons pas grand-chose hormis qu’elle a fini par épouser son meilleur ami qui va resurgir dans sa vie, après une absence de quelques années. Sa relation aux femmes est tout simplement désastreuse et destructrice.

A l’occasion d’une visite impromptue de son ami, et c’est l’originalité de l’ouvrage, nous allons découvrir que Ron, notre universitaire raté, a commis quelques nouvelles consignées dans de petits carnets rouges. Quatre courts récits qui vont s’insérer dans le ryhtme du roman. Quatre récits décalés, littérairement volontairement maladroits pour mieux mettre en évidence l’échec de toute tentative créatrice de notre homme. Quatre récits lus par des personnages différents et qui vont nous donner à nous interroger sur la véritable personnalité de Ron commentée ou disséquée par chacun des lecteurs proches de l’auteur.

Quatre récits qui tous mettent en scène un homme et une femme dont les prénoms commencent invariablement respectivement par R et K, rappel moins que voilé à cet amour qui ne s’est jamais concrétisé, à une vie regrettée et qui n’a jamais été. D’ailleurs, toute tentative de relation amoureuse entre ces personnages fictifs échoue systématiquement et lamentablement dans chacune de ces pitoyables nouvelles.

Des nouvelles qui vont accréditer la thèse d’une homosexualité putative voire d’une pédophilie au moment où l’auteur se trouve embraqué, comme ses personnages, dans un concours de circonstances abracadabrants et qui le mènent tout droit au tribunal correctionnel pour attentat à la pudeur sur mineur. Tout semble l’accuser alors qu’il est parfaitement innocent. Même son avocate va le pousser à plaider coupable alors qu’elle aussi se débat dans une séparation douloureuse avec un mari qu’au fond elle n’a jamais vraiment aimé en sept ans de mariage. Encore un amour impossible.

Coe se livre alors à une condamnation féroce de l’éducation anglaise, de ses préjugés et nous dresse un tableau saisissant de nullité et de petitesse de l’intelligentsia universitaire.

Un nœud d’attitudes qui amènera à un irréparable dont personne ne saura comprendre le sens mais où chacun pourra préserver son petit monde étroit et coincé.

Un ouvrage où chaque personnage se débat dans d’immenses difficultés à être spontané, où aimer semble impossible, où d’insurmontables barrières affectives, psychologiques, sociales, éducationnelles rendent toute avancée incroyablement complexe.

Il en résulte un ouvrage intéressant, rapide à lire et qui donne un intéressant éclairage complémentaire sur un auteur encore une fois essentiel de la littérature anglaise actuelle et sur la vivacité de la production littéraire britannique (cf les nombreuses références blogguées dans Cetalir).

Publié aux Editions du Rocher – 246 pages

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