3.4.09

Palestine – Hubert Haddad

Le prolifique Hubert Haddad publie chez Zulma son dernier roman. C’est au cœur de l’actualité, celle de l’intifada, des territoires occupés et d’une lutte qui n’en finit pas de semer des victimes innocentes que l’auteur a choisi cette fois-ci de nous emmener.

Sa langue y a gagné en simplicité. Bizarrement, elle s’est presque désorientalisée alors même que l’action se situe peu ou prou sur le même terrain que celui de « Oholiba des songes » que nous avions beaucoup aimé, et dont vous trouverez la note de lecture dans Cetalir.

D’ailleurs, il y a une autre similarité entre « Palestine » et « Oholiba des songes ». Dans ces deux romans, c’est d’usurpation involontaire d’identité dont il est question ainsi que de voyage initiatique qui ne peut se terminer que par la mort.

Autant la langue dans Oholida était époustouflante, riche, épique et classique, autant elle est ici dépouillée, ce qui est assez rare chez cet auteur pour être souligné, afin de rendre dans toute sa crudité le côté intolérable de ce qui se passe en Palestine. Tout juste y trouve-t-on quelques fulgurances qui démontre que la maîtrise de la belle langue est toujours là.

Cham est un jeune soldat israélien, arrivé dans les territoires occupés depuis trois mois. Alors qu’il patrouille avec un adjudant expérimenté, sans aucune alerte, ce dernier s’écroule, tué d’une balle en plein front. Blessé, Cham s’évanouit. Il sera recueilli par l’une des factions ennemies qui veut en faire une monnaie d’échange.

Tsahal ne laissant jamais ce genre d’incidents impuni, les rebelles auront tôt fait d’être anéantis. Par miracle, Cham en réchappera et sera recueilli par une vieille femme qui verra en lui son fils revenant. C’est ainsi que Cham, juif israélien, devient Nessim, palestinien.

En état de choc, il perd toute notion de son identité réelle et devient Nessim pour de bon, par nécessité. Soumis à l’autorité aveugle de l’armée d’occupation, Nessim va voir celles et ceux qui le recueillent se faire arrêter ou tuer, en tout arbitraire. Il rencontrera aussi en Falastin, la sœur de Nessim, la femme qu’il a toujours recherchée, à la fois sœur, mère et chaste épouse. Mais Falastin à son tour sera broyée et c’est en devenant un martyre que Nessim retrouvera sa véritable identité, devenue trop lourde à porter.

Malheureusement, malgré un thème parfaitement adapté à la tragédie, Hubert Haddad passe un peu à côté de son sujet. Certes la langue est belle. Certes, certaines scènes décrivent de façon criante la violence et l’injustice qui s’abattent au quotidien sur les civils palestiniens. Une violence qui nourrit le terrorisme, l’absence d’espoir, de perspective, d’avenir, la disparition des siens ne pouvant conduire ailleurs que vers des abîmes de terreur.

Mais il manque un certain souffle épique, une folie qui aurait donné à ce roman un caractère inoubliable comme a su le faire Sayed Kashua dans « Et il y eut un matin » (note disponible dans Cetalir). On reste en dehors du récit, plus spectateur distant qu’acteur impliqué. Le livre n’est pas pour autant mauvais. Il manque juste du souffle qui anime les tragédies classiques.

Un témoignage plus intellectuel que chargé d’émotion.

Publié aux Editions Zulma – 156 pages