15.6.09

La dernière métamorphose – Keiichirô Hirano

La dernière métamorphose – Keiichirô Hirano

Encore un bien curieux roman livré par un écrivain japonais contemporain. Le narrateur, dont nous ne savons presque rien au départ, si ce n’est qu’il est un homme jeune qui vient de démissionner de son travail, nous livre ses confessions.

Ce sont celles d’un « hikikomori » c’est-à-dire d’une de ces victimes de la société japonaise moderne stressante, une victime qui se retranche définitivement chez elle pour ne plus en sortir, afin de fuir toute relation au monde qui la harcèle.

Ce jeune homme, qui habite chez ses parents, se retranche dans sa chambre. Il ne se lave pas, ne se change pas. A force de crasse et de négligence, il finit par ressembler à la façon dont il se perçoit : un énorme cancrelat. Il provoque le rejet et le remords chez ses parents.

Assis derrière son clavier d’ordinateur, il n’a de cesse de nous interpeller sur qui il est vraiment. Une urgence à crier son étrange personnalité et à détailler les multiples métamorphoses qui ont fini par faire de lui ce cancrelat physqiue et psychologique.

Nous allons peu à peu découvrir qu’il s’agit d’un homme totalement déconstruit et qui faute d’avoir compris véritablement l'être humain qu'il était, s’est réfugié sur autant de rôles qu’il souhaitait de donner de visages aux autres. Une conséquence de ses métamorphoses comme une erreur d’une suite de manipulations chimiques mal maîtrisées.

Rien ne lui est jamais naturel et il transcende toute timidité, toute terreur de ne pas trouver sa place en adoptant de multiples stratégies sociales qui visent, toutes, sans exception, à se faire accepter coûte que coûte. Une acceptation dépourvue de tout sentiment, une acceptation synonyme de ne pas avoir à répondre aux vraies questions, celles de savoir qui il, nous, sommes vraiment. La négation comme prix à payer pour exister aux yeux des autres.

S’appuyant sur une intelligente comparaison avec « La métamorphose » de Kafka, K. Hirano nous emmène au cœur de l’angoisse d’un de ces cadres japonais à qui tout souriait. Tout à coup, l’homme s’effondre, la pression devient trop forte et ne trouve aucune contrepartie dans un équilibre affectif ou familial. Il ne reste que l’image d’un terrible échec qui ne peut avoir comme conclusion que l’autodestruction, symbolique, psychologique et/ou physique.

Le récit est brillant, le cheminement hallucinant, pathologique.

L’analyse de la façon d’être aux autres sur la Toile et les quelques pages sur la manipulation possible par la tenue d’un blog littéraire devenu soudainement célèbre sont très intéressantes. Encore une façon de se détruire en détruisant les autres, pour refuser de se regarder soi. Critiquer sans fondement pour métamorphoser son personnage, pour ne cesser d’apparaître sous un visage nouveau, pour séduire à nouveau en même temps que détruire ceux qui vous ont fait connaître.

Rassurez-vous, rien à voir avec Cetalir qui s’attache à conserver une approche analytique et aussi objective que possible des multiples lectures et découvertes. Même si, au bout du compte, nous n’hésitons pas à dire si nous aimons ou non.

Ici, nous dirons que nous avons trouvé ce livre dérangeant et inégal. Les comparaisons avec le chef-d’œuvre de Kafka sont parfois un peu ennuyeuses ; le récit est sans espoir, sans joie, sans futur. A lire uniquement pour les amateurs de curiosité et des approches qui sortent des sentiers battus.

Publié aux Editions Philippe Picquier – 168 pages