4.9.09

Avec vue sur le royaume - Jean-Pierre Gattégno

Sans perdre une seconde, trouvez à tout prix ce superbe roman qui exploite brillamment une idée originale.

Imaginez une seconde, qu’une fois morts, avant d’entrer au paradis ou bien peut-être pour l’éternité, vous vous retrouviez au sein d’un super-sonique luxueux. un de ces appareils capables de ravitailler sans jamais faire escale, avec des hôtesses aux petits soins pour vous et qui soignent vos angoisses, vos cauchemars, bref la résurgence des souvenirs de vos vies à coup d’alcool. Car champagne fin et whisky à gogo (le Santari de “Lost in translation” sans autre alternative) coule à flots.

Soudain, un fils d’émigré juifs saloniques qui vient de se faire suicider par amour par son ami de toujours, d’une balle en pleine tête, se retrouve assis à côté d’un vieux monsieur digne et lui-même fils d’un des pires assassins nazis.

Grâce à des écrans en trois dimensions au rendu hyper-réaliste, les souvenirs de chacun des deux voisins va s’afficher, au fur et à mesure qu’ils resurgissent du néant. Des images, des scènes qui vont amener l’un et l’autre à se raconter, à partager le plus intime de leurs vies, leurs amours, leurs vices, leurs espoirs et leurs secrets.

Qu’est-ce qui va pousser le fils d’émigrés à mentir à son compagnon de l’au-delà sur sa personne et à se faire passer pour son ami que son voisin trépassé a connu ? Mais quel est le fil ténu qui relie ces deux hommes qui ne se connaissent pas et qui sont assis, l’un à côté de l’autre, par décision supérieure sans possibilité aucune de s’échapper ?

Que leur faudra-t-il avouer qui est resté caché au plus profond d’eux de leur vivant pour découvrir enfin qui ils sont l’un à l’autre et ce qu’ils ont partagé, sans le savoir, et qui leur était le plus cher ?

C’est avec une émotion remarquable, une finesse incroyable que Gattégno mène son sujet. Nous assistons, bouleversés, au déroulement de ses deux vies sous la forme d’une confession que les images projetées brutalement sur ces écrans hyper-réalistes empêchent d’être retardée.

La tension narrative est souvent brisée par une touche d’humour décapante lorsque les hôtesses empressées accourent pour servir une éternel et même repas et soulager les morts en noyant leurs souvenirs dans un alcool qui a valeur de médicament psychotrope.

Une confession pour gagner le repos et le respect de l’autre. Une confession pour admettre ses erreurs et ses compromissions d’autant plus que l’on peut assister à ce à quoi elles ont conduit puisque l’écran nous projette aussi dans les temps post-mortem.

Et la réalité est souvent implacable et les êtres aimés se transforment bien vite en traîtres, en proie qu’ils sont eux-mêmes à leurs propres tourments, à leurs désirs.

Bref, un très grand livre indispensable à tout amateur de littérature contemporaine originale et de grande qualité.

Un des must de Cetalir, sans hésiter !

publié aux Editions Actes sud - 363 pages