14.9.09

Chamboula - Paul Fournel

Voici un joli roman à l’écriture imaginative, drôle et souvent frappante, à la mode des contes africains. Reste à préciser que Paul Fournel est né à Saint-Etienne et qu’il a su brillamment s’inspirer du style si particulier aux écrivains africains d’expression française.

Chamboula est la plus belle jeune femme du village. Elle fait rêver les hommes et chavire les coeurs avec sa démarche chaloupée. Une invitation à l’amour charnel. Mais Chamboula est indépendante. Elle accepte de se donner aux hommes qui lui plaise sans vouloir s’attacher à l’un en particulier. C’est aussi une femme moderne, de pouvoir et qui milite pour la liberté de la femme.

Chamboula habite un petit village tranquille au chef respecté. Un village de traditions et où le temps s’écoule selon des rites bien spécifiés.

Tout ce bel équilibre va se trouver mis à bas lorsqu’un ingénieur blanc débarque et remarque la présence de gisements pétrolifères et de pierres précieuses sur cette terre ancestrale.

Avec l’ingénieur débarque le commerce. L’arrivée du premier réfrigérateur, du premier téléviseur, alimentés par un groupe électrogène à pédales va provoquer un snetiment de jalousie et de propriété.

Un sentiment renforcé par les belles images prometteuses du catalogue de la manufacture de Saint-Etienne.

Avec l’ingénieur, Chamboula perd sa liberté. Elle accepte d’être sa compagne pour gagner l’autorité avant que de se débarrasser d’un homme encombrant en ayant recours aux recettes traditionnelles visant à le priver de sa virilité.

Avec l’ingénieur débarque en force la civilisation moderne, celle qui chasse les ancêtres de leurs sépultures et fait rôder leurs âmes en peine. Avec elle, l’arrivée en masse de main d’oeuvre, des constructions hideuses, le bruit et la foule.

Bref, le village ne tarde pas à perdre son âme et sa tranquillité.

Et puis, il y a ceux qui tentent l’aventure de l’expatriation et qui y laissent toujours leurs vies au bout du compte. Ils s’appellent tous “boulot” même si leurs destins divergent beaucoup entre l’intellectuel surdoué qui finit ministre et se fait assassiner ou le pauvre bougre que l’on retrouve gelé dans le train d’atterrissage à Roissy. Ils viennent tous du village et partagent une faim d’un autre monde qui se laisse refuser.

Ces tranches de vie défilent paisiblement, malgré les chambardements, la violence, la soif du gain grâce à une succession de très courts chapitres de 1 à 3 pages en général qui nous donnent à voir les nombreux et pittoresques personnages de cette petite saga et la façon dont ils s’adaptent, ou non, à un monde bouleversé.

Le tout fait penser à un conte, vif, alerte et rythmé, psalmodié et enrichi au gré de l’imagination et du talent du conteur.

Paul Fournel en a beaucoup, ce qui fait de ce livre une véritable réussite.

Fortement recommandé par Cetalir.

Publié aux Editions du Seuil - 343 pages