11.11.09

Le dernier train - Maria Mercé Roca



Si vous ne connaissez toujours pas la littérature espagnole contemporaine, malgré mes exhortations sur Cetalir, voici une nouvelle opportunité à découvrir du côté de la Castille.


Ce roman est d’une sensibilité intensément féminine et touche profondément tout lecteur ayant un peu vécu, connu des histoires amoureuses qui se sont plus ou moins bien terminées.


La structure en est simple. Trois parties.


Premièrement, une femme, proche de la cinquantaine, avocate spécialisée dans les négociations et les dossiers difficiles, se livre à une analyse de là où se trouve son couple. Après 26 ans de vie commune, elle n’est plus amoureuse de son mari dont elle donne une description sans complaisance.


Celle d’un homme assez égoïste, peu à l’écoute de l’autre, d’un être qui vogue d’échec en échec professionnel, engloutissant au passage toutes les économies familiales dans d’impossibles projets.


Elle ne sait plus comment elle a pu tomber amoureuse mais elle lui reste attachée, par habitude, par souci de materner d’autant que son homme a connu une grave attaque cardiaque et a tué, par accident, un homme un jour de chasse au sanglier.


Au fond, elle se rend compte que c’est ce besoin in contrôlable de protection régentée qui lui rend la vie à deux encore souhaitable, souhaitée et poursuivie alors que son mari est devenu incapable de la satisfaire sexuellement parlant du fait des médicaments qu’il prend à vie.


Deuxièmement, le mari, cinquantenaire qui n’a rien réussi dans sa vie et qui se livre à une analyse amère de son existence.


Une épouse dure, nourricière mais quasi dictatoriale, une femme qui ne lui laisse que peu d’espace de respiration, une femme d’affaires qui mène son couple comme elle mène ses affaires, allant à l’essentiel, plus soucieuse du résultat que des sentiments.


Une épouse, cependant, dont il reconnaît les multiples qualités et l’infini dévouement dont elle a su faire preuve lorsqu’il fut terrassé par son accident cardiaque et totalement déprimé, après avoir tué accidentellement un homme, il y a si longtemps, ce fameux jour de chasse au sanglier.


Un père déçu par sa fille qui fut un sujet constant de désaccord avec son épouse tant est si bien qu’elle a fini par s’enfuir avec le premier venu.


Mais aussi, et surtout, un homme qui se remet à prendre goût à la vie après avoir rencontré, miraculeusement sans s’y attendre, une femme dont il est tombé profondément amoureux et qui est sa maîtresse depuis 8 mois.


Une femme qui l’aime et qu’il peut en retour aimer car elle a profondément besoin d’être protégée, entourée, cajolée après l’ablation d’un sein qui a conduit son mari à divorcer, ne pouvant plus supporter l’image de cette mutilation.


Alors, voilà, n’aimant plus son épouse qu’il voit comme tyrannique, il décide de la quitter et doit lui annoncer ce soir.


Troisièmement, l’annonce de la décision et son dénouement, sobrement et superbement pis en scène.


Car ce roman est finalement écrit comme une pièce de théâtre, mais un théâtre sans dialogues. un théâtre où deux longs monologues se complètent et se superposent, donnant à voir des scènes et des thèmes identiques mais pris sous des angles et des points de vue radicalement différents, si différents qu’ils finissent par rendre tout compromis impossible.


La force de la troisième partie est de faire intervenir un tiers narrateur qui se met à l’intérieur de la tête de chacun des protagonistes et décrit, avec précision, l’émotion qui s’empare de chacun des deux époux au fur et à mesure que quelques paroles, très peu, sont échangées.


C’est le langage corporel et la progression de la pensée et de l’émotion qui vont finir par faire exploser la crise.


Un roman d’une rare finesse, d’une grande profondeur psychologique et qui se passe intégralement à l’intérieur de la tête des deux époux.


Impossible à tout lecteur un peu mûr de ne pas se reconnaître à un moment ou un autre...


Hautement recommandé par Cetalir !


Publié aux Editions Métalié - 173 pages