8.5.10

Troisième chronique du règne de Nicolas Ier – Patrick Rambaud


Il est peu d’affirmer que les chroniques du Sieur Rambaud figurent parmi les indispensables bijoux littéraires de ce début du XXI ème siècle. Il faut dire que le Sieur Rambaud a des Lettres, en tant que membre de l’Académie Goncourt et qu’il maîtrise avec un brio éblouissant la belle langue, celle qu’on n’écrit presque plus tant elle s’est évaporée dans de fades raccourcis journalistiques stéréotypés.

Ici, c’est le digne héritier de Mr De La Bruyère qui tient la plume. On y retrouve le sens de la formule élégante et lapidaire et la même férocité vis-à-vis du pouvoir et de la Cour qui l’accompagne d’autant plus si ledit pouvoir est détenu par un despote égocentré. Il faut avouer qu’avec notre Monarque, que dire notre Empereur Nicolas I er, nous sommes effectivement servis. C’est à croire que tous les défauts se sont concentrés sur un seul personnage surexcité, intrusif, manipulateur et qui n’a de cesse que de gagner à tout prix une forme de reconnaissance que les vilains du bas peuple, qui l’ont porté au pouvoir malgré les signes évidents d’autoritarisme absolu et de volonté de régner sans partage, semblent de plus en plus décidés à lui contester.

Fin observateur et bien renseigné sur les arcanes du Château, le Sieur Rambaud dresse un dessin effrayant des petites et grandes manipulations et terreurs qui agitent la Cour, sans oublier de prêter au Monarque absolu des attitudes et des propos qui tiennent plus du vacher que du Souverain éclairé. Comme aucun fait n’est inventé, il appartiendra à chacun d’en tirer les conclusions qui lui semblent s’imposer.

C’est une chronique au vitriol qui nous est livrée, terriblement partisane, mais fine et intelligente tant elle relie et met en perspective la succession de faits de plus en plus odieux et indignes de la charge suprême quand elle devient publique. Car, de toutes façons, tous les prédécesseurs du détenteur actuel du trône en ont plus ou moins fait de même, mais ils eurent l’habileté de le dissimuler, comme d’ailleurs le rappelle autant que de nécessaire notre maître chroniqueur.

Nous avons trop fréquenté par nous-mêmes les cercles de pouvoir pour n’y voir qu’une brillante élucubration. Tout pouvoir coupe des réalités et induit un phénomène de courtisans d’autant plus serviles qu’ils vivent et tirent profit d’une inéluctable tentation d’omniprésence qui finit par rendre l’action illisible et improductive. C’est ce qui arrive quand il y a confusion entre le trop et le bien.

Bref, nous ne saurions trop recommander cette indispensable lecture qui dresse, ceci dit, un tableau acerbe sur le monde politique de tout bord, qu’il soit au pouvoir ou qu’il y aspire. N’allez pas croire trop vite que le meilleur reste à venir…

Publié aux Editions Grasset – 2010 – 170 pages