10.9.10

Le siège – Rocco Carbone


Il y a beaucoup de « L’aveuglement » de Saramento dans ce roman italien à découvrir de Rocco Carbone.

Une pluie de sable se met à tomber en pleine nuit au-dessus d’une ville sans nom dans un pays qui n’en porte pas non plus. Une pluie qui ne s’arrête plus, qui recouvre les chaussées, bloque tout trafic.

Bientôt, toute vie économique s’arrête et les habitants qui le peuvent encore ou en ont le courage se mettent à fuir. Curieusement, les autorités, au courant de la situation, ne font rien pour intervenir. On aperçoit l’armée et la marine au loin, mais rien, aucun mouvement.

Laissée à elle-même, la population qui a choisi de rester doit s’organiser. Se procurer de l’eau, de la nourriture, organiser les tâches parmi les rares habitants des immeubles devient la priorité absolue. Tant bien que mal, une vie nouvelle, sommaire, se met en place.

La pénurie de nourriture venant, le sable s’accumulant, le temps passant, la tension augmente. Commencent à se révéler les véritables personnalités et ressurgissent les conflits latents jusqu’à devenir paroxystiques.

Rocco Carbone met en scène avec un certain talent et une retenue à la limite de la froideur, ce qui est le principal reproche à adresser à ce roman par ailleurs remarquable, une galerie de personnages qui vont tout risquer pour s’en sortir en conservant leur dignité et leur humanité quand, autour d’eux, le chaos s’installe.

Car, rapidement, une fois les prisonniers de droit commun évadés, la ville tombe aux mains de la pire racaille. Vols, pillages, exécutions arbitraires, rapt des femmes soumises de force à la prostitution d’une horde de sauvage, internement des hommes jeunes devenus esclaves des nouveaux maîtres, c’est l’enfer qui s’installe.

Un enfer dans un désert de sable, oppressant. Un sable qui n’en finit jamais de tomber et qui rend tout déplacement à la recherche du minimum pour survivre, extrêmement périlleux.

Parmi ceux qui font jusqu’au bout preuve d’humanité, il faut compter un employé de bureau sans prétention et pour lequel la protection de sa famille et de ses voisins est la priorité absolue, sans recours à la violence. C’est autour de lui que la communauté va tourner et s’organiser. On y trouvera un médecin, un prêtre, quelques épouses et quelques vieillards qui deviennent des charges quand la vie est de plus en plus difficile.

Aucun d’entre eux n’échappera à un destin implacable dicté par le bon vouloir de la racaille qui s’est emparée d’une ville en état de siège.

Jusqu’à la lie le vin sera bu. C’est au bout du désespoir, de la résistance physique et psychologique que nous entraine Rocco Carbone avec une main de fer. A chaque nouvel épisode, on espère le calvaire fini mais il n’en est rien car l’imagination des hommes pour commettre le pire est sans limites.

Vous resterez scotchés par ce récit dur qui ne laisse pas souffler un lecteur qui compatit pour les innocentes victimes d’une version moderne de la huitième plaie d’Egypte.

Publié aux Editions Fayard – 243 pages