29.11.10

La bulle cauchemar – Sylvie Weil


Un nouvel auteur, encore méconnu et qui mérite d’être découvert. Sylvie Weil est née aux Etats-Unis et a grandi en France, pays entre lesquels sa vie s’est partagée. Ce n’est que récemment (2002), après une carrière dans l’enseignement dans des collèges des états de New-York et du Vermont, qu’elle a décidé de se consacrer à l’écriture.

Autant dire qu’une importante part autobiographique se retrouve dans « La bulle cauchemar ».

Elsa est une mère qui fut mariée à un Français dont elle eut un fils, Julien. Elle vit à New-York et assiste, impuissante et désespérée, au rapt de son fils par une porto-ricaine excentrique, autoritaire, délurée mais sympathique.

Dans ce court roman très introverti (nous sommes dans la tête d’Elsa), l’auteur nous donne à réfléchir au lien si particulier qui peut unir une mère, juive, possessive, protectrice et son fils. Un fils qui connut une enfance des plus difficiles, infirme et hanté par une folie qui lui valut plusieurs internements.

Une vie qui a enfermé Elsa dans sa « bulle cauchemar » : une vie de phobies, d’angoisses de voir son fils disparaître ou ne jamais exister en tant qu’individu autonome. Une vie sans sommeil, sans joie et dont le sens fut tout entier voué à un fils qui la trahit.

Car le sentiment d’Elsa est bien que Julien la trahit d’abord en la quittant pour une femme, ensuite, et surtout, pour cette femme qui n’est certainement pas celle dont elle avait rêvée, qu’elle avait même inventée pour son fils.

Autant l’idéale fille Goldstein que son psychisme avait patiemment construit pour son fils était modeste, réservée, dévouée toute entière à un fils délicat, autant Linda, la future belle-fille, est une véritable tornade qui se moque des conventions et qui fait plier son monde, à commencer par Julien, à ses volontés totales, absolues, indiscutables.

C’est à la dizaine de mois qui précède le mariage que nous allons assister. Des mois de bulle cauchemar pour Elsa, des mois pour d’abord refuser l’inéluctable, tenter vainement de le combattre. Puis, des mois pour accepter, rationnaliser, apprendre à aimer une famille exubérante dont certains membres entretiennent avec Dieu un rapport étrange et très intime.

Dix mois pour combattre ses angoisses, se construire une nouvelle personnalité, devenir adulte et belle-mère, plus simplement mère protectrice et castratrice.

Tout cela est fort bien analysé avec beaucoup de tendresse, beaucoup de subtilité et de délicatesse. Jamais on ne sombre dans le mélo dégoulinant ou le roman juif, surjoué et insupportable.

Un roman court, bien fait, émouvant et touchant, qui donne envie d’en découvrir d’autres de ce même auteur.

Publié aux Editions Joelle Losfeld – 148 pages