15.2.11

La chambre des morts – Franck Thilliez


Franck Thilliez, pour ceux qui l’ignoreraient encore, est un des jeunes Maîtres du polar français. Il a d’ailleurs reçu le « Prix Quais du Polar 2006 » avec ce roman dont un film a également été tiré.

Un roman, comme toujours avec Thilliez, très noir, très pessimiste, glauque. Comme s’il s’était fait une spécialité de fouiller le tréfonds des âmes humaines torturées par des délires, des fantasmes morbides et où le passage à l’acte, violent, brutal et sanguinolent nous fait franchir de nouvelles frontières dans l’horreur.

L’autre spécialité de ce romancier de grand talent est de mêler religion, rites et mises en scènes, exécutés par des criminels aussi intelligents que dérangés. Des élaborations savantes, en référence à l’Histoire, dont l’élucidation et le décodage nécessitent à la fois une connaissance approfondie de certaines spécialités, une façon différente de raisonner, une remise en cause des enquêteurs interpellés. Car, presque toujours, ces derniers sont eux-mêmes perturbés dans leur propre vie, connaissent une crise d’identité profonde et ces enquêtes sont le moyen de se reconstruire en chassant leurs propres démons.

Seul un flic dérangé, à la marge, peut se révéler capable de décoder l’irrationnel qui renverse toute logique habituelle.

Moins abouti que « Lunes de miel », ce roman n’en reste pas moins un très grand roman policier.

L’action se situe dans la région de Dunkerque et de Lille (le Nord est la terre d’accueil que Thilliez s’est choisie). Les lieux y sont souvent sombres, humides, souterrains, mal chauffés, l’obscurité ayant une place de choix dans les livres de Thilliez. La vérité doit en effet se chercher au plus profond du sens caché et sa mise en lumière est impossible, choquante, déstabilisante. Tout doit rester entre initiés, un peu caché pour ne pas faire trop peur à une population qui se croit en sécurité.

L’essentiel des actions se produit donc de nuit ou à l’aube et quasiment toujours en pleine obscurité qui aiguise nos peurs et réveille nos terreurs enfantines.

Dans « La chambre des morts », c’est dans le monde de la taxidermie que nous descendons. Quel peut bien être le point commun entre ces enlèvements de jeunes filles qui se succèdent, le décès par accident du père d’une des jeunes filles, la disparition de deux millions d’Euros au milieu d’insupportables odeurs de cuirs et de traces de poils de loup ?

Peu à peu, nous allons descendre les marches qui vont nous conduire à comprendre la folie absolue, symbolique et médiévale qui donne un sens terrifiant à des actes barbares que nous découvrons de plus en plus médusés. Tout simplement terrifiant.

Des marches humides, glissantes, sans retour possible vers « La chambre des Morts ».

A lire absolument.

Publié aux Editions Le Passage (Seuil) – 313 pages