23.6.12

God’s Pocket – Pete Dexter



« God’s Pocket », du nom du quartier pauvre et ouvrier de Philadelphie, plus ou moins contrôlé par la Mafia, fut le premier roman de Pete Dexter, auteur américain contemporain, journaliste de profession et que nous aimons beaucoup à Cetalir. D’emblée avec ce premier roman publié en 1983, P. Dexter s’imposa comme un écrivain majeur du roman noir contemporain.

On y trouve ce qui structurera son œuvre dans les vingt cinq années qui suivirent : minorités sociales ou raciales qui tentent de s’en sortir face aux plus puissants, flics douteux, déjantés et décalés, pouvoir de la pègre et corruption politique…

Comme toujours par la suite, ce qui étonne est un style noir ciselé, éclairé par des images où l’auteur se fait un malin plaisir de constituer des combinaisons inattendues ourlées d’un argot rieur, et où le lecteur trouve une respiration grâce à des moments burlesques et qui suscitent un rire franc et massif. Bref, une fois plongé dans un roman de Dexter, il est bien difficile d’en sortir tant l’ambiance caractéristique vous enveloppe et vous plonge dans un cocon isolé du monde.

« God’s Pocket » est une sorte d’hommage décalé à la classe laborieuse de Philadelphie, à ceux qui cherchent à s’en sortir sans quitter  le droit chemin (prélude à « Train », sublime et dernier roman de l’auteur) ou qui composent a minima avec la pègre en se salissant les mains le moins possible (on lira encore « Un amour fraternel »). Un chemin étroit soumis rendu possible par un laxisme policier, une complaisance plus ou moins achetée et à un laisser-faire politique.

Mais c’est aussi une intrigue solidement charpentée sur fond de crime. Dès la première ligne, nous sommes confrontés sans ambages à la mort d’un jeune homme du nom de Leon Hubbard. Ce dernier travaillait comme maçon sur le chantier d’un hôpital. Un emploi de complaisance, fourni par la mafia. Une mort qui n’a rien d’accidentel et sur laquelle l’auteur va construire son roman.

Par un concours de circonstances, voilà que bientôt, alors que Hubbard est un sans grade, un loser fini, un célèbre journaliste et chroniqueur, la police, la famille et la mafia vont mener des enquêtes séparées et qui ne vont pas tarder à s’entrechoquer. D’où une incroyable série de péripéties tantôt dramatiques, souvent très drôles liées à l’enterrement d’un corps qui devient multiplement embarrassant.

Mal chronique de la société américaine, l’alcoolisme joue un rôle de révélateur, accentuant les dérives, déliant les langues, libérant l’autocontrôle et poussant celles et ceux dont il s’empare à se livrer à des actes et des paroles qui auront des conséquences diamétralement opposées à celles attendues. Un alcoolisme sur fond de pauvreté, de solitude physique ou sentimentale, de difficulté de vivre.
Bref, c’est un superbe roman noir, très noir, mais aussi un roman très écrit, superbe de maîtrise, d’emblée majeur que tout amateur de littérature se devra de découvrir.

Publié aux Editions de l’Olivier – 348 pages