21.9.12

La femme de l’Allemand – Marie Sizun



Nous avions découvert Marie Sizun dans « Jeux croisés » qui nous avait beaucoup plu et avons éprouvé un réel bonheur de la retrouver avec ce roman publié en Mars 2007.

Pourtant, Marie Sizun n’a pas choisi la facilité en choisissant de traiter de la psychose maniaco-dépressive. Le roman est d’ailleurs assez dur, dérangeant en mettant méthodiquement en scène la maladie qui fait perdre tout repère à l’entourage des personnes qui en sont atteintes. Le style brutal est accentué par le parti-pris de recourir à de très courts chapitres qui traitent de l’essentiel et font alterner les périodes de folie et les répits, plus ou moins longs, pour mieux dépeindre une descente aux enfers inéluctable et tragique.

C’est par les yeux de Marion, entre sept et dix-sept ans, que nous allons suivre les circonvolutions de la maladie de fanny, sa mère. Fanny que l’on désigne comme « La femme de l’Allemand », celle qui à dix-huit ans a fauté avec un bel et jeune officier ennemi dont elle a eu cette enfant.

Marion aime sa mère pour ses bizarreries, pour les secrets qu’elle dissimule et dont elle soulève parfois un coin de voile, pour la façon perspicace qu’elle a de se moquer de tout le monde.

Mais Marion assiste et accompagne sa mère lors de crises de plus en plus graves, totalement destructrices  et qui font éclater tous les repères que les précédentes accalmies avaient contribué à ériger, en même temps qu’un impossible espoir. Plus la maladie progresse, plus les internements psychiatriques s’enchainent, plus Marion va devoir faire des choix : protéger sa mère d’elle-même ou se protéger elle ; accepter l’intolérable, les insultes, les reproches manipulateurs ou se réfugier chez ses grands-parents qui lui offrent le havre de paix dont elle a besoin.

Plus Marion avance en âge, plus elle ressent la nécessité de découvrir qui est cet Allemand inconnu, dont elle ne sait rien qui lui sert de figure de père. Sa mère lui mentant plus ou moins consciemment, il lui est difficile de trouver le chemin de la vérité. Alors, elle finit par s’inventer un père de toutes pièces en découpant la photographie d’un jeune et sympathique officier, pris au hasard, d’un journal rétrospectif.

Le talent de M. Sizun est de nous faire souffrir comme ses personnages, de nous donner à comprendre en quoi chaque choix ferme définitivement une porte derrière lui et enferme les protagonistes dans des univers qui finissent par diverger. Le style vif nous fait descendre au plus profond d’un enfer quotidien qui finira par excuser les décisions prises par les divers protagonistes qui sont toutes plus ou moins conscientes et visant à se protéger de l’insupportable.

Une découverte que nous vous recommandons sans la moindre hésitation.

Publié aux Editions Arléa – 243 pages