12.1.13

La réserve – Russel Banks



« La réserve » est le dernier roman publié par ce géant de la littérature américaine contemporaine. Pourtant, et malgré l’immense admiration que nous avons pour l’œuvre de Banks, « La réserve » nous a laissé sur notre faim.

Banks a pris le parti de changer de registre. Nous ne côtoyons plus les laissés pour compte de l’Amérique, les paumés en marge, habitant des mobile-homes ou conduisant des camions, se débrouillant entre des pères alcooliques et des boulots de droguistes, autant de situations quasi obsessionnelles et autographiques, pour certaines du moins, qui ont hanté les œuvres de l’auteur.
Cette fois, c’est du côté de la grande bourgeoisie, des nantis, des préservés de la crise que Banks nous entraîne. Toutefois, c’est encore dans l’une des régions de prédilection de l’auteur, les Adirondacks, que la quasi totalité de ce long roman va se dérouler. Un roman qui nous a paru hésiter, pendant la première centaine de pages, entre le scenario hollywoodien, l’histoire d’amour inhabituelle chez l’auteur qui, pourtant, prend bien soin de semer des indices qui interpellent le lecteur sur la nature de l’évolution de l’intrigue.

Puis, brutalement, le roman va basculer dans le côté obscur nous faisant côtoyer une fois encore l’inépuisable complexité de l’âme humaine. Et c’est là qu’on sent Banks a l’aise, même s’il semble ne pas arriver à se départir du territoire bourgeois où il a choisi de s’installer. Et c’est ce qui crée un décalage un peu désagréable dont nous ne sommes jamais parvenus à nous débarrasser tout au long du roman.

C’est autour d’un quatuor d’individus que le roman va se construire. Jordan Groves et son épouse habitent à l’année une résidence rupestre et chic, que Jordan a construite de ses mains, sur les bords de l’un des majestueux lacs de la réserve des Adirondacks. Il est un peintre reconnu, engagé, communiste, lié aux écrivains contestataires de ces années qui précèdent la deuxième guerre mondiale.

Convié à une soirée chez un voisin homme d’affaires qui possède une très belle résidence secondaire luxueuse, il s’y rend par un moyen de transport habituel pour lui : son hydravion.

Grand amateur de femmes, il va tomber sous le charme de la fille fantasque de son hôte, Vanessa Cole. Vanessa est une trentenaire fatale, deux fois divorcée, une dévoreuse d’hommes. C’est aussi une femme psychologiquement fragile, aux actes souvent impulsifs et aux conséquences imprévisibles.

Une complexe histoire d’amour va peu à peu se nouer entre ces deux individus qui jouent à se séduire, à se repousser, à se manipuler en profitant du décès brutal du père de Vanessa qui semblait jusque là la protéger d’elle-même.

Alors qu’il croyait son épouse lui être fidèle, Jordan découvrira par hasard l’adultère de son épouse avec un guide veuf, beau comme un dieu, taciturne et simple, Hubert Saint Germain. Une trahison en réponse aux innombrables aventures de Jordan, une réponse à la solitude et au désespoir d’une femme délaissée et qui a renoncé à ses talents pour se dédier à ses enfants et à son époux devenu célèbre.
Cet adultère deviendra le prétexte pour Jordan à céder à Vanessa ce qui, par un complexe concours de circonstances alambiquées, va conduire à la perte du quatuor et à une série de cataclysmes rapidement improbables.

La complexité même de l’intrigue, le lieu inhabituel à l’auteur finissent par rendre la lecture assez laborieuse et par considérablement amoindrir l’intensité dramatique psychologique qui pourtant explose sous nos yeux. On s’ennuierait presque même, parfois…

Donc, à ne recommander qu’aux inconditionnels. Vous pourrez découvrir Russel Banks avec plus de profits dans ses œuvres moins récentes.

Publié aux Editions Actes Sud – 380 pages