26.1.13

Retour au pays bien aimé – Karel Schoeman



Ce roman fut publié en 1972 en Afrique du Sud, puis traduit et édité, en France, en 2006 lorsque la renommée de ce grand auteur blanc et contestataire, pourfendeur de l’apartheid, fut mieux établie.
Toutefois, il ne s’agit pas, de notre point de vue, de l’une des œuvres maîtresses de Schoeman. On n’y retrouve pas la puissance de l’écriture des œuvres plus tardives et l’on peine quelque peu à entrer dans une histoire volontairement décousue, à l’image des liens qui se sont distendus entre le personnage principal et son pays natal, qu’il retrouve bien des années plus tard.

Georg décide de venir passer une semaine en Afrique du Sud, en plein veld, pour retrouver la ferme de ses grands-parents et s’occuper de la vendre après le décès de sa mère.

Celle-ci, au moment « des évènements » comme il est dit pudiquement dans le roman, avait en effet fui le pays en proie aux plus terribles désordres et suivi son mari, diplomate, en Suisse. C’est là-bas que le jeune homme fut élevé, dans la pratique de la langue française et anglaise. C’est là-bas qu’il réside et travaille, dans une maison d’édition. Il est profondément suisse et confusément Sud-Africain.

En pleine nuit, perdu dans le veld immense, Georg vient frapper à la porte d’une ferme. Tenue par des Afrikaners purs jus, ceux-ci finissent par vaincre leur réticence et par l’accueillir une fois qu’ils découvrent qu’il n’est pas un inconnu.

Pendant les cinq jours qu’il passera sur place, Georg  devra à la fois accepter de livrer quelques souvenirs, attestant définitivement de son intégrité, et savoir se faire plus ou moins accepté par cette famille de quatre enfants, farouches, méfiants et résistants. Il lui faudra aussi nouer des liens contre son gré avec ce que la famille compte comme amis dispersés dans les quelques fermes alentour.

Alors seulement, la confrontation avec ceux qui sont restés lui permettra de comprendre ce que son pays aura véritablement traversé. Ces Afrikaners ont tout perdu : leurs terres, leur argent, leur position sociale. Ils ont fait l’objet d’exécutions sommaires, d’arrestations arbitraires, certaines femmes ont été violées, les esclaves se sont retournés contre eux. Aucun n’accepte que le pays ne soit passé aux Noirs. Beaucoup ont du apprendre à survivre, à s’improviser paysans, à oublier leur bonne éducation.

Pour toutes ces raisons, le retour de l’enfant prodige est incompréhensible d’autant que la ferme héritée n’est plus qu’un champ de ruines, un lieu de souvenirs douloureux et désastreux, à l’image du vain combat mené.

Comme Georg ne sait pas expliquer rationnellement son retour, chacun veut y voir la légitimité de ses convictions et cherche à se faire de cet étranger qui parle leur langue, qui partage des souvenirs communs vagues avec eux, un allié. Tous sont maladroits ou insupportables et ne peuvent que pousser le jeune homme à fuir.

Au final, ce voyage se révèlera un échec complet et marquera la rupture définitive du jeune homme avec ses racines, avec ce monde devenu violent, arbitraire et incompréhensible.

L’avant-dernière scène, paroxystique, aussi brève que brutale est sans doute le moment de bravoure de l’ouvrage. C’est elle qui donne le sens au roman et qui fait tomber les dernières illusions.

Publié aux Editions Phébus – 206 pages