15.2.13

Le veau – suivi de : Le coureur de fond – Man Yo



La publication récente de ces deux nouvelles donne l’opportunité de découvrir l’écrivain chinois Man Yo à qui fut décerné le Prix Nobel de Littérature en 2012. Une opportunité appréciable quand on sait sa propension à accoucher d’énormes pavés de largement plus de 500 pages, tels le récent « Beaux seins, belles fesses », best seller en Chine et sélectionné dans la liste de référence 2012 du Point, qui dépasse allégrement les mille pages…

Pour bien comprendre Man Yo – dont le nom, construit à partir de son patronyme Guan Moye, signifie « Ne pas dire », superbe clin d’œil à la censure – il faut savoir qu’il est issu de l’une de ces innombrables familles de paysans chinois pauvres ou moyennement-pauvres (selon la dénomination officielle des plus beaux jours de la dictature maoïste), plus ou moins sauvées par l’armée populaire chinoise lors de la guerre contre Tchang Kaï-Shek. Il fut longtemps lui-même un soldat écrivain avant de se consacrer entièrement à l’écriture, construisant peu à peu une gigantesque fresque de la société chinoise contemporaine, dénonçant ses dérives tout en veillant bien à ne pas tomber sous les coups de la censure.

Le livre dont il est ici question regroupe deux nouvelles publiées à distance mais dont le point commun est de dénoncer, sous le couvert d’histoires a priori toute simples, les dérives et les aberrations de la Chine communiste sous Mao.

La nouvelle principale « Le veau » nous montre les tribulations d’une famille paysanne pauvre qui, de crainte de ne pouvoir nourrir le bétail, décide de faire castrer trois veaux. L’histoire tournera d’autant plus au cauchemar que l’incompétence, le manque de moyens, la position doctrinaire ridicule qui enferme les uns et les autres dans des postures de classe figées, la prévarication et, aussi, la faim s’en mêleront.

Dans la deuxième nouvelle, l’auteur nous relate l’histoire vraie de l’un de ses professeurs, Zhu Zongren, qui aura marqué sa jeunesse par son charisme et ses prouesses sportives improbables. Mais c’est aussi et surtout l’illustration de l’immense bêtise qui amène à cataloguer comme « droitiers », c’est-à-dire réputés déviants de la doctrine tout ce qui compte d’esprits brillants, d’intellectuels ou tout simplement celles et ceux qui, pour le plus anodin des gestes, seront sélectionnés pour remplir les quotas définis par le pouvoir central.

Derrière un style à la fois débonnaire et souvent assez drôle se cache en fait une critique au vitriol, à peine déguisée, des dérives d’une société qui allait tout droit à sa perte. Tout cela se lit facilement et rapidement et devrait être de nature à vous encourager à vous attaquer aux morceaux de choix de cet auteur majeur.

Publié aux Editions du Seuil – 2012 – 257 pages