25.5.13

La chambre aux échos – Richard Powers



« La chambre aux échos » est un roman qui ne se laisse pas facilement aborder. Il faut tout d’abord en franchir la longueur (plus de 470 très grandes pages aux petits caractères et d’une écriture assez serrée) : même pour un lecteur rapide comme moi, ne comptez pas moins de douze à quinze heures de lecture assidue. Par son thème ensuite qui amène l’auteur à faire référence, à de très nombreuses reprises, à des travaux en neuro-chirurgie, neuro-chimie ou psychiatrie et, donc, à utiliser les termes scientifiques spécialisés pour donner à comprendre au lecteur les mécanismes qui sont en œuvre dans ce roman assez fascinant.

Ce qui est au cœur de l’ouvrage, ce sont les chemins tortueux et inattendus que le cerveau humain peut emprunter suite à une maladie, un choc, un accident. A ce titre, la description (même rapide, donc non clinique) de cas étudiés par la médecine est absolument fascinante, même si elle peut faire peur tant il n’y a pas de limites aux bizarreries, à l’a-normalité.

Les cas de ces patients qui sont convaincus d’avoir une main greffée sur leur visage, un membre (un troisième bras, une troisième jambe) transmis par un parent récemment décédé malgré toutes les preuves factuelles, scientifiques et irréfutables qu’on peut leur opposer est absolument extraordinaire. Comme bien d’autres, abondamment cités dans ce roman dense.

Pourquoi une telle débauche de références médicales ? Tout simplement parce qu’un jeune homme, Mark Schluter, alors qu’il roulait à vive allure sur les pleines alluviales désertes du Nébraska, celles qui accueillent tous les ans des millions de grues en train de migrer, se retrouve tout à coup hospitalisé, à l’état de quasi-légume, suite à un gravissime accident de la route.

L’une des nombreuses conséquences de cet accident est d’avoir profondément altéré la personnalité de Mark au point qu’il est convaincu d’être devenu une sorte de doublure de lui-même, projeté dans la réplique presque parfaite du monde qu’il a connu auparavant, mais pas parfaite car il y dénote de légères différences de détails. Une doublure poursuivie par de mystérieux agents qui font sur lui de multiples expériences dont la plus troublante est, sans doute, de lui avoir envoyé sa sœur, avec laquelle il entretenait une relation fusionnelle, sous la forme d’un robot, extrêmement déroutant tant l’imitation est parfaite, tant sa connaissance de détails intimes est improbable. Ceci porte le nom de syndrome de Capgras.

Nous allons assister en détails à l’évolution de ce syndrome, complété par d’autres au fur et à mesure que l’état de Mark s’aggrave tant et si bien qu’il va devenir l’objet d’une étude approfondie de la part d’un spécialiste célèbre, également et surtout auteur de nombreux ouvrages de vulgarisation sur les neuro-sciences. Or ce médecin, va lui même connaître une profonde altération de sa personnalité en étudiant ce cas, en se trouvant confronté à des choix personnels et professionnels critiques. Tout comme d’ailleurs tout l’entourage de Mark, tant le stress que cette maladie induit est intense.

Bref, nous plongeons dans la psyché et observons, à l’aide de procédés didactiques (un peu comme les séquences de combats de rats de laboratoires dans « mon oncle d’Amérique » d’A. Resnais), les multiples interactions entre une galerie de personnages perdus et ébranlés par un cas qui les dépasse.

La limite du roman tient cependant dans l’ambition de l’auteur à vouloir mener de front trois ou quatre histoires qui, en soi, auraient chacune pu justifier d’un roman à part entière, le tout sur fond de combat écologique en vue de sauver les grues du Nébraska.

D’où une certaine indigestion et une impatience à en finir lorsque le cap des cent dernières pages est franchi.

A découvrir sous réserve de prendre son temps et d’accepter de lire, en essayant de comprendre, de nombreuses pages assez scientifiques, du moins pour les non spécialistes.

Publié aux Editions « le cherche midi » - 471 pages