2.11.13

Le requiem de Franz – Pierre Charras



Pierre Charras entreprend dans ce très court roman de nous conter la vie de Franz Schubert telle qu’il se l’imagine que le compositeur a pu se la représenter au soir de sa mort prématurée, à trente et un ans.
C’est une vision sans concessions, peu amène qu’il choisit de mettre en scène. Celle d’un homme encore jeune, victime de sa disgrâce physique (Schubert était courtaud, obèse et quasi chauve) qui en fait la risée des femmes, des autres et de lui-même.

C’est aussi la vision d’un homme bien sûr hanté par sa musique, désolé de n’avoir été reconnu de son vivant que comme un auteur de chansons populaires à succès (ses fabuleux Lieder), de n’avoir pas véritablement connu la gloire que sa musique symphonique et de chambre auraient du lui valoir. Un compositeur navré aussi de n’avoir pu achever sa huitième et sublime symphonie dont les dernières mesures l’obsèdent. Mais, surtout, un homme qui meurt en concevant un extraordinaire et divin requiem, purement fictif puisque pas une seule ligne n’en fut jamais écrite, et qui s’imagine conquérir la reconnaissance des hommes et l’amour de Thérèse, cette soprano dont il tomba amoureux sans que jamais, cet amour à sens unique, ne fût partagé.

Car Schubert fut malheureux en amour et, selon toute vraisemblance, ne connut jamais d’autres femmes que les péripatéticiennes qui l’infectèrent d’un mal qui finit par l’emporter.

Cette absence de reconnaissance des autres lui valut de se réfugier dans l’alcool et de vivre toujours en marge et petitement, obsédé par la présence encore récente d’un Beethoven ou d’un Mozart qui furent ses maîtres à penser. Se riant de lui-même, dépressif, il ne pouvait que devenir une victime consentante de ses coreligionnaires.

Le problème de ce roman, au-delà de son ambition et du sujet qui n’intéressera qu’un cercle restreint d’amateurs de lettres et de musique, dont je suis, est que son auteur semble se laisser dominer par son personnage. Pourquoi un style aussi emphatique dans l’essentiel de l’ouvrage ? Comment croire qu’un homme en train de mourir et de contempler une vie pleine de regrets et d’échecs fasse usage d’une langue aussi raide, sans affect ? Cela en est tellement gênant que l’on reste extérieur à l’ouvrage jusqu’aux toutes dernières pages qui, enfin mais trop tard, découvrent l’homme sans d’improbables oripeaux littéraires. Cela fait du récit de P. Charras un livre finalement tout juste moyen, presque raté. 

Dommage…

Publié aux Editions Mercure de France – 2009 – 110 pages