14.12.13

Le soir du chien – Marie-Hélène Lafon



Voici le premier roman d’une nouvelle-venue dans le paysage littéraire du début des années 2000.  Un roman sur la solitude, l’adultère, la vie dure dans les campagnes, les petits villages où chacun s’épie, tout se sait, l’intimité et le secret impossibles.

Un roman pudique où l’auteur entreprend de nous conter le drame de Laurent, le narrateur, vu par lui-même et cinq autres protagonistes qui expriment leurs points de vue sous forme de courtes lettres. Car il est bien connu qu’un fait ne sera jamais perçu, et encore moins interprété, de façon identique, chacun de nous étant influencé par son propre vécu dans le décodage de ce qui se passe sous nos yeux. Un décodage où la jalousie n’est pas étrangère, où la condamnation à vouloir se croire différent des autres, les petits, justifie par avance de toutes les peines qui finissent par s’abattre sur ceux qui ont eu des rêves d’Icare.

Laurent, la trentaine bien engagée, électricien, est un bosseur. Célibataire, il va tomber soudainement sous le charme de Marylène (contraction non cachée de Marie-Hélène, tiens tiens…), la petite bibliothécaire qui circule dans la région avec le bibliobus. Marylène a vingt-trois ans, un passé difficile, élevée par une grand-mère austère, placée en apprentissage comme coiffeuse, réquisitionnée pour donner un coup de mains dans une boulangerie familiale quand nécessité fait loi.

Marylène s’est enfuie de sa Haute-Normandie où l’on voulait l’étouffer, lui imposer une vie qui ne lui convenait pas. Marylène est belle, elle fait tourner les têtes de tous les hommes. Laurent saura la séduire et en faire sa compagne avec laquelle il se retire dans une maison isolée de tout, qu’il retape entièrement. C’est leur nid douillet, leur jardin secret, le lieu d’épanouissement idéalisé de leur amour. Un lieu où Marylène vit retirée du monde, en ménagère, en rêveuse aussi.

Et puis, un soir, parce que le chien de Marylène se fait renverser, la vie de ce couple qui fait des jaloux va basculer. Marylène fait tourner la tête du vétérinaire local qui abandonnera femme et enfants, clientèle et position sociale, pour s’enfuir avec cette femme fatale, légère et qui redonne un sens à sa vie. Celle de Laurent va s’effondrer, ses rêves se dissoudre avec la difficulté à accepter et à comprendre. 

Et avec cet effondrement, un acte dramatique lui fera voir ce qu’il aura été toujours aveugle à percevoir toute sa vie durant auprès de son ami le plus proche, le menuisier du village. Tout fuit avec la belle…
Une situation banale, mille fois mise en scène dans l’histoire de la littérature et que MH. Lafon entreprend de conter avec une certaine douceur comme celle de la nature qui entoure cette petite bourgeoisie campagnarde.

Pourtant, pour notre part, nous n’avons jamais été véritablement conquis par ce récit, bien écrit, mais qui semble manquer cruellement de passion au point de risquer de le rendre fade. L’insertion de lettres dont nous ne savons rien sur leurs auteurs au beau milieu d’un récit douloureux ne rend, par ailleurs, pas la lecture très facile.

Le roman connut un beau succès d’estime lors de sa parution mais il faut croire que  nous ferons partie des grincheux.

Publié aux Editions Buchet-Castel – 2001 – 140 pages