31.1.14

Areva, mon amour – Thierry Gadault


 
Grâce à un minutieux travail d’enquête et d’interviews réalisées auprès des principaux acteurs dont il est question tout au long de ce récit passionnant, Thierry Gadault nous révèle les féroces combats qui se livrent en coulisses pour mettre la main sur une partie essentielle de la filière nucléaire française.

Comme nous le montre l’auteur, tout tourne autour d’une obsession. Celle du Corps des Mines de reprendre la main sur l’entreprise. Un pouvoir qu’ils avaient acquis dès la mise en place du programme nucléaire national sur décision du Général de Gaulle et qu’ils avaient perdu en 1970 suite à une série d’échecs désastreux de la filière gaz-graphite et qui avaient conduit le Ministre de l’Industrie de l’époque, Giraud, à imposer un redécoupage des rôles et un transfert des pouvoirs.
Depuis, dans l’ombre, le puissant Corps X-Mines n’a cessé de manœuvrer pour revenir aux commandes, contrer les velléités d’un autre géant, EDF, où règnent en maîtres les ingénieurs des Ponts et Chaussées, de s’accaparer le contrôle intégral du nucléaire, allié à Bouygues, le bétonneur préféré de l’opérateur énergétique.

Avec la nomination d’Anne Lauvergeon, orchestrée par celui qui règne sur les carrières au sommet des meilleurs des Mines, le Corps avait probablement pensé parvenir à son objectif. Mais c’était sans compter sur trois facteurs.
Tout d’abord, le fait que Mme Lauvergeon est avant tout une Normalienne qui s’est vue octroyer le privilège réservé aux meilleurs Normaliens d’intégrer les Mines, faisant d’elle aux yeux de ses pairs une sorte de sous-diplômée.

Ensuite, la personnalité de Mme Lauvergeon dont l’auteur nous détaille le caractère autoritaire, quasi-tyrannique qui finira par irriter tout le gotha prêt à toutes les alliances y compris contre nature pour déboulonner une femme de pouvoir, difficile à manœuvrer et capable de contrer, coup après coup, les pires plans visant à l’affaiblir.

Enfin, la volonté de Nicolas Sarkozy d’affaiblir le Corps des Mines devenu encombrant et omniprésent d’une part et de satisfaire ses amis et ses soutiens de campagne que furent Henri Proglio et Martin Bouygues tout deux désireux de mettre la main sur Areva.
Suivre l’histoire de cette entreprise, c’est suivre les arcanes du pouvoir, les traîtrises des uns, les coups bas des autres. C’est aussi voir comment la République est capable de mener des dossiers à leur propre perte faute d’une gestion appropriée et parce qu’obnubilée par des considérations d’ordre politique et personnel. C’est aussi décoder ce qui fit les choux gras de la presse pendant plusieurs mois  autour du dossier Uranim, véritable désastre financier avant de devenir le catalyseur qui mènera Mme Lauvergeon vers la sortie d’une entreprise qu’elle se serait vue continuer de diriger.

Un livre passionnant, éclairant, didactique, riche et détaillé.

Editions François Bourin – 2012 – 163 pages