8.1.14

Mauvaise pente – Keith Ridgway



Ce roman fut le premier de K. Ridgway, auteur irlandais. Il fut récompensé en 2001 par le Prix Fémina Etranger et le Prix du premier roman étranger. Le découvrant huit ans plus tard, je m’interroge sincèrement sur ce qui a bien pu motiver l’attribution de ces récompenses à ce qui, à mes yeux de lecteur averti, constitue un roman sympathique mais au fond, très moyen.

Sans doute ai-je été gêné par la relative pauvreté de vocabulaire et de style tant il est vrai que j’attache une grande importance à la qualité de l’écriture. Sans doute, aussi, ai-je trouvé que l’intrigue traînait en longueur et donnait, parfois, lieu à des développements un tantinet longuets d’autant plus qu’ils s’inscrivent dans des dialogues ternes, aussi pauvres que les propos de bar, la formule en moins !

Car les dialogues tiennent une place significative dans ce roman. Si vous êtes amateur de belles pages descriptives ou d’intériorité, vous serez immanquablement déçus. A tel point qu’on se demande si ce récit hésite entre roman et pièce de théâtre.

Pourtant, le propos de l’auteur est ambitieux et courageux. Il tourne fondamentalement autour de deux thèmes qui s’entrecroisent et se nourrissent l’un de l’autre. D’une part, celui de la culpabilité, d’autre part celui de l’avortement dans une Irlande qui se modernise mais qui est ancrée dans une tradition catholique rigide et rétrograde.

Grace vit dans une ferme reculée d’Irlande. Elle est mariée à un homme qui la méprise depuis que leur plus jeune fils, Sean, est mort noyé dans une flaque d’eau alors que Grace étendait son linge. Grace vit dans la terreur des coups qui pleuvent, de plus en plus violents et fréquents, qui ponctuent les retours alcoolisés de cet époux dont elle ne sait comment se défaire. Un homme qui fut emprisonné pour avoir tué la fille des voisins qu’il écrasât un soir, ivre au volant de sa guimbarde.

Alors un soir où les coups furent plus violents que d’habitude, elle se résout à fuir. Mais avant, elle s’installera au volant de la fameuse voiture et attendra, nuitamment, que son démon apparaisse sur la petite route pour lui foncer dessus et l’écraser à son tour.

Elle se réfugiera ensuite chez son deuxième fils, Martin, qui vit à Dublin. Martin déteste son père qui l’a frappé et chassé lorsque Martin lui a avoué qu’il était homosexuel. Voilà des années que Martin et sa mère ne se sont pas vus. Il leur faut s’apprivoiser. Epreuve d’autant plus difficile que Grace a changé. Elle alterne de rares moments de quasi hystérie avec des phases de plus en plus longues dépressives. Une dépression qui s’installe profondément au fur et à mesure que la prise de conscience de son acte est grandit.

A partir de là K. Ridgway s’applique à décrire les mécanismes qui vont broyer Grace et Martin, les séparant à jamais l’un de l’autre. Grace parce qu’elle s’installe dans une grave dépression qui grandit avec la pression policière qui enquête sur la mort de son ex-mari, Martin parce qu’il est fondamentalement instable, fragile, jaloux et possessif et qu’il pètera les plombs lorsqu’il découvrira le geste de sa mère.

Au total, c’est un roman noir, très noir, qui n’offre que peu d’espoir mais qui interpelle sur ce que subissent ces milliers de femmes battues, à la merci de monstres domestiques.

Publié aux Editions Phébus – 2001 – 334 pages