7.3.14

That’s all right Mama – Bertina Henrichs


Après le phénoménal succès de « La joueuse d’échec » (que nous avions beaucoup aimé), nous attendions avec impatience le deuxième roman de Bertina Henrichs. Rappelons que Mme Henrichs est Allemande d’origine, installée en France depuis une vingtaine d’années, qu’elle écrit directement en Français avec une maîtrise de la langue, qu’elle a apprise sur place, qui est tout simplement époustouflante.

Sans être au même niveau que « la joueuse d’échec », son deuxième roman est une touchante réussite d’autant que le sujet abordé ici est délicat. C’est du travail de deuil qu’il s’agit, du bouleversement qui s’ensuit lorsque l’on perd l’un de ses parents, à l’âge adulte et de la reconstruction qui s’en suit.
A aucun moment le roman ne sombre dans le mélodramatique. Au contraire, l’auteur sait faire preuve d’une grande maîtrise en alternant les moments d’émotion intense et pure avec les sourires ou les clins d’œil à la vie qui, toujours, continue. On pleure parfois, sourit beaucoup.

On suivra avec attachement le parcours d’Eva, cette jeune universitaire allemande, enseignant en France et en Français, admirée de ses pairs pour la qualité de ses travaux, arrivée à une maturité professionnelle sereine (tiens, tiens, ne serait-ce pas un brin autobiographique ?) et qui apprend brutalement l’hospitalisation de sa mère en Allemagne.

Elle doit partir sans tarder, laisser un compagnon avec lequel elle entretient une relation sans passion, un brin distante et rejoindre sa mère. Au décès de celle-ci, il faut faire face aux inévitables obligations administratives traitées ici avec une touche d’ironie délicieuse et retrouver les papiers d’une mère aimée, veuve depuis de nombreuses années. Les souvenirs resurgissent et un vieil oncle se manifeste qui va lui révéler un pan entier inconnu de la vie intime de sa mère. Elle y apprendra les secrets cachés de ses parents dont sa mère l’avait toujours gardée.

Eva découvrira que cette dernière avait prévu de longue date de se rendre à Memphis pour y rendre un hommage à son dieu, le King Elvis. Alors c’est elle qui va entreprendre ce voyage en souvenir et honneur de sa mère.

C’est la découverte d’une Amérique superlative, excessive dans la capitale du Kitsch et du ridicule. Une découverte émaillée de rencontres avec des êtres bizarres, perdus et qui cherchent à donner un sens à une vie vide en entretenant des rapports pour le moins contestables avec la star qu’ils refusent de croire morte.

Ce parcours permettra à Eva de se débarrasser de ce qui l’encombre, de faire place nette dans sa vie pour s’assumer totalement.

Le livre est admirablement construit alternant une première partie intime, triste et nostalgique, qui rend avec précision et sensibilité la peine qui s’empare de ceux qui apprennent le décès d’un proche, avec une deuxième partie plus délurée, critique acerbe et méritée de la société américaine, catharsis pour rebondir.


Publié aux Editions Du Panama – 2009 – 239 pages