8.5.14

Silo – Hugh Howey



« Silo » fut un évènement littéraire aux Etats-Unis. D’abord imaginé sous la forme d’une courte nouvelle, il est auto-publié sur Amazon en format numérique et vendu à 99 cents. Le bouche-à-oreille aidant, le tapuscrit fait un tabac et les lecteurs réclament à corps et à cris une suite. Il y en aura quatre qui donnent lieu à un roman dont les droits ont été rachetés par l’une des plus prestigieuses sociétés d’édition américaine et qui se vendra à 500.000 exemplaires ! C’est également désormais le premier tome d’une trilogie disponible dans la nouvelle collection de SF « exofiction » d’Actes Sud.
Pourquoi ce livre d’anticipation a-t-il connu un tel succès ? A cela, un ensemble de réponses qui en fait son originalité et son intérêt au point qu’il pourrait devenir un roman culte d’une nouvelle branche du genre !

Tout d’abord, parce qu’il joue sur nos peurs dans un monde que l’on sent bien au bord du gouffre écologique, soumis à des changements climatiques, sociaux, économiques et politiques qui le font craquer de toutes parts sans que l’on sache vraiment ce qui en résultera. Cette incertitude est, du coup, pour beaucoup d’entre nous source d’inquiétude : ne serions-nous pas à la veille d’une apocalypse multifactorielle ? Hugh Howey nous apporte sa réponse. 

Dans un futur indécis et plus ou moins proche, il imagine une terre seulement peuplée de quelques milliers d’individus, uniques survivants d’un cataclysme dont nous ignorons tout. La conséquence en est que l’air y est devenu toxiquement mortel, rendant la vie seulement possible au sein d’un silo.
C’est à l’intérieur de ce microcosme qu’il faut ensuite chercher les raisons du succès littéraire. L’auteur en fait une réduction parabolique de notre monde, une sorte de fourmilière humaine en réduction dont l’observation distante devient ainsi possible, mettant le doigt sur nos travers et ce qui cause cataclysmes et révolutions en séries. 

Tissant une intrigue solide (même si le rythme parfois s’étiole un peu), nous nous mettons à vivre au rythme d’un monde codé, rappelant parfois étrangement, mais en plus horrible, le nôtre. Au sein du silo, tout est normé. L’immense tour est traversée verticalement par un gigantesque escalier de 144 étages. Il faut plusieurs jours pour le gravir, tout ascenseur en est absent car la société y est dûment stratifiée. Tout en haut, les dignitaires. Au centre, le « DIT », centre névralgique informatique et technique qui contrôle tout, espace hypersécurisé, secret et obscur. Tout en bas, les mineurs et les mécaniciens qui font tourner les machines, produisent l’énergie indispensable au maintien de la vie. Les naissances sont partout contrôlées, les pensées encadrées, les communications restreintes, les fonctions hiérarchisées afin de rendre la vie en commun possible à quel que prix que ce soit. C’est sous uneliberté toute relative qu’il reste possible de vivre.

Alors, bien sûr, il existe des déviants, des humains restant capables de penser par eux-mêmes, désireux de vouloir sortir pour vérifier que le monde extérieur est conforme à ce que les écrans informatiques en retransmettent. Traqués en permanence, ils sont arrêtés sans délai par un shérif, jugés sans procès et expédiés à l’extérieur au cours d’une procédure bien rôdée et dantesque qui les vouent à une mort assurée et atroce après avoir été obligés à nettoyer les capteurs rendant l’observation extérieure possible, comme une ultime manière de rappeler que nul ne peut échapper au contrôle du silo.

La vie en société étant soumise à des tensions permanentes, enjeux de pouvoir, de désir, objet de spéculations diverses, tout ce microcosme risque en permanence d’imploser. Avec méticulosité, Hugh Howey démonte les rouages qui ne peuvent que conduire à l’explosion qui sera d’autant plus violente que la vérité sur le monde sera progressivement révélée.

Au total, c’est cette combinaison de critique sociale et politique, d’anticipation, de thriller et de western qui font de cet ouvrage un objet littéraire unique, non exempt de défauts, mais à lire absolument. On attend la suite avec impatience !
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Publié aux Editions Actes Sud – 2013 – 558 pages