5.6.14

La fille de mon meilleur ami – Yves Ravey




Au fil de ses romans, Yves Ravey a forgé un style et un genre. Chez lui, la première marque de fabrique se trouve dans la concision de l’écrit. Aucun livre ne dépasse les deux cents pages, mais pourtant tout y est dit et l’auteur se sera amusé à semer quantité d’indices anodins ou non pour envoyer ses lecteurs sur diverses pistes tout en laissant se dessiner, pour qui saura la voir, celle qui mènera à l’ultime révélation. 

Le style Ravey, c’est d’imaginer ses intrigues sur fond de quotidien un brin banal et de marqueurs sociaux. Souvent, les classes s’affrontent, plus ou moins violemment. Toujours, les personnages se trompent mutuellement, les plus malins abusant des plus faibles avant que d’être trompés à leur tour. C’est dans la relative banalité, dans un récit presque immobile que l’auteur montre tout son talent, celui qui consiste, au fond, à réinventer le genre du roman policier sans le dire ni l’afficher. 

Son dernier opus, « La fille de mon meilleur ami », en est une exemplaire illustration. Deux êtres à la dérive s’y côtoient. William qui a promis à son meilleur ami, sur son lit de mort, de s’occuper de sa fille, Mathilde. Mathilde, donc, une beauté qui, à force de fréquenter les hôpitaux psychiatriques, s'est vue retirer le droit de visite de son fils Romeo lequel vit désormais chez son père et sa nouvelle compagne. Depuis, Mathilde survit à coup de cocktails mélangeant médicaments et alcool, toujours au bord de la dérive, à la limite extrême de la dangerosité et de la folie.

Sur l’insistance de Mathilde, William la conduit dans une petite ville de l’Essonne pour braver l’interdiction légale et voir Romeo. Faire fi d’une interdiction majeure, susceptible de causer bien des ennuis, dit bien le caractère des deux acolytes, en rupture l’un comme l’autre.  Bien vite, nous découvrirons que derrière William se cache un être peu recommandable aux multiples personnalités, manipulateur et improvisateur au point de se lancer dans des plans aussi audacieux que foireux.

Plus Mathilde s’enfonce, plus William semble oublier toute réalité et prêt à prendre les risques les plus inconsidérés pour se tirer des multiples faux pas dans lesquels il se plonge lui-même. Avec une précision diabolique, un art qui force le respect, Yves Ravey nous entraîne dans une cavalcade sociale et nauséabonde dont la conclusion sera nécessairement une surprise ou plutôt, une succession de rebondissements.

Le livre se lira avec plaisir et à toute vitesse et devrait vous donner envie d’en découvrir plus sur cet auteur si vous ne le connaissiez pas encore.

Publié aux Editions de Minuit – 2014 – 156 pages