4.7.14

L’open space m’a tuer – Alexandre des Isnards et Thomas Zuber



Derrière ce titre racoleur qui fait référence à l’assassinat jamais résolu de la vieille dame de Nice, se cache un pamphlet contre les méthodes des entreprises informatiques en général envers leurs jeunes embauchés.

Construit sur le fruit des observations personnelles des auteurs, largement complétées par les contributions motivées de leurs réseaux, ce livre donne une image désastreuse, et déformée, du monde de l’entreprise moderne. C’est à croire que les employeurs des grandes entreprises de conseil et d’informatique n’ont d’autres buts que de presser le citron à leurs collaborateurs pour les jeter le plus vite possible ensuite.

C’est donc un procès à charge qui est instruit par accolage d’anecdotes ou d’histoires personnelles. Même si, comme partout ailleurs, il existe des comportements condamnables et des dérives, je puis assurer que ce n’est pas la pratique institutionnelle de cette Industrie. Voilà donc un livre trompeur et fort peu recommandable.

Etant dans le métier depuis 28 ans et dans des fonctions de responsabilités importantes depuis 15 ans, je pense pouvoir prétendre savoir de quoi il retourne. Il est vrai que j’ai pu observer par moi-même des situations à la limite du harcèlement. Elles sont le plus souvent l’expression de managers en butée de capacités et qui, de ce fait, seront les victimes suivantes de leurs pratiques inacceptables.

Comment croire qu’une profession qui emploie des centaines de milliers de collaborateurs en France n’aurait d’autres buts que de dégoûter les jeunes embauchés qu’elles ont par ailleurs eu le plus grand mal à recruter ? C’est juste stupide.

Il est regrettable que ce livre, par ailleurs assez mal écrit, fasse l’impasse sur la moindre démarche scientifique et ne donne pas la parole à ceux contre qui il s’adresse. Il ne pourra séduire que les convertis d’avance mais ne peut en aucun cas se prétendre représentatif d’une norme professionnelle. La seule réalité est que le monde du travail moderne et occidental est beaucoup plus demandeur qu’il ne l’était il y a vingt ou trente ans. En sont la cause la rapidité des mutations technologiques, la pression incessante de la concurrence, l’exigence croissante des clients et c’est cela qui engendre une pression effectivement considérablement plus forte qu’elle ne l’a jamais été. Sauf à remettre en cause notre société et à se voiler la face sur la détermination des pays asiatiques à prendre la main (et là, je parle d’expérience, la pression n’a rien à voir !), c’est un fait établi avec lequel il faut composer. Il requiert capacité à s’adapter, à travailler en équipe, à faire preuve d’imagination et de créativité renouvelée pour conserver un avantage concurrentiel déterminant. Si un jeune diplômé n’y est pas prêt, il y aura inadéquation avec le monde du travail privé, quelque soit l’industrie. C’est sans doute la seule chose à retenir de cette navrante lecture.


Publié aux éditions Hachette Littérature – 2008 – 212 pages