18.10.15

Fortune de mer – Jean-Luc Coatalem


La Fortune de mer, c’est le privilège de pouvoir s’arroger ce que la mer a rejeté sur les côtes. Un rejet dont souvent l’origine est malheureuse, voire fatale, les épaves constituant fréquemment la matrice de ses émissions imprévisibles.

Lorsque Romain Lescot embarque dans le petit Cessna qui fait la navette entre Brest et l’île d’Ouessant, il pense avoir trouvé sa fortune de mer du jour en la personne de Lucia Parma (la lumière pourpre), une jeune et jolie journaliste Espagnole venue accompagner deux autres passagers qui se révèlent être le chef des druides et son assistant venus célébrer un mariage celtique. En effet, l’ile d’Ouessant est réputée pour ses constructions mégalithiques au sein des quelles se tiennent des réunions plus ou moins secrètes où l’on célèbre les éléments dans une tradition panthéiste multimillénaire.

Lescot quant à lui se rend régulièrement sur l’île pour vérifier la qualité du miel produit par les colonies d’abeilles noires, ces insectes ayant été réintroduits sur place. Elles y bénéficient d’un écosystème unique, libéré de toute pollution leur permettant de produire un miel rare et très recherché.

Mais voilà, vivre sur Ouessant c’est devoir composer, l’été passé, avec une météo aussi changeante que fréquemment violente, ce bout de terre étant le dernier bastion marquant la route vers l’Amérique, un grand rocher planté aux confins de la Manche et de l’Atlantique ce qui lui vaut des tempêtes mémorables.

Dans ce huis-clos balayé par les vents, Jean-Luc Coatalem élabore une intrigue où l’angoisse ne cesse de monter. Une angoisse qui s’articule autour de la disparition soudaine et mystérieuse de la belle Lucia, du trouble irrépressible que Romain éprouve envers elle et de la folie alcoolique et hallucinatoire d’un chanteur vivant sur place et qui vient de se faire larguer par sa compagne, ex-gagnante de la Star Academy.

Il est facile de perdre ses repères à Ouessant quand le vent souffle à rendre fou, quand la terre pleine de bruyères se gorge d’eau et que les fondrières vous tendent d’innombrables pièges. Sans compter sur des habitants taiseux et entretenant un mélange de méfiance et de haine envers ces continentaux qui ne respectent rien et ne savent pas boire.

Rancoeurs et passions combinées aux éléments déchaînés et à l’impossibilité de fuir une mer qui ne tarderait pas à vous avaler pour vous faire digérer par une pieuvre géante selon les contes et légendes vernaculaires forment une trame idéale pour que l’auteur nous tisse un récit habile, inquiétant et troublant. Un récit fait d’une langue moderne et puissante non absente de cocasserie.

Le cocktail est explosif mais jouissif pour le lecteur.


Publié aux Editions Stock – 2015 – 173 pages