12.12.15

Neverhome – Laird Hunt


Gallant Ash porte ce surnom depuis que ce soldat combattant avec les forces de l’Union contre les rebelles sécessionnistes est allé délivrer et embrasser chastement une belle dont le corsage s’était agrippé à une branche de l’arbre auquel elle était montée pour venir voir défiler les militaires.

Pourtant rien ne prédestinait Ash à devenir ce qu’il est, à combattre à la vie à la mort auprès des rudes gars, pour la plupart venus des campagnes de tous les Etats du Nord, à tirer, comme leur enseignent leurs officiers, sur tout ce qui bouge comme ce qui ne bouge pas au cœur de batailles qui laissent plaines, bois et clairières ravagées et jonchées de milliers de cadavres faisant les délices des corbeaux et autres rapaces.

Car Ash est une femme, de son vrai nom Constance. Une brave fille solide, débrouillarde et déterminée. Une femme mariée à un jeune paysan qu’une déficience visuelle empêche de répondre à l’appel de l’armée des volontaires. Alors, par amour pour son homme et son pays, par croyance dans les valeurs à défendre et parce que, au fond d’elle-même, elle bout sans cesse d’en découdre, de voir la guerre de près, elle imposera à son homme d’y aller, elle, à sa place.

Un cas qui n’est pas unique car, même si cela n’est pas très connu, ce sont plus de quatre-cents femmes qui sont allées se battre avec les Unionistes le plus souvent dans le plus grand secret, parfois protégées par des officiers supérieurs qui savaient.

Comme tout soldat partant au front, l’objectif de Gallant Ash est de tuer le plus d’ennemis possibles, de vaincre et de revenir à la maison une fois le travail accompli. Mais les batailles décident pour vous. Les camarades tombent, les morts s’accumulent, les débandades succèdent aux victoires, les blessures vous surprennent.

Victime d’un coup de sabre de cavalerie lors d’une bataille homérique au cœur de laquelle l’auteur nous jette sans concession pour mieux nous en faire sentir la brutalité totale, Gallant Ash sera laissée pour morte et va devoir affronter un périlleux périple pour rentrer chez elle et retrouver celui qu’elle aime.

Laird Hunt, qui s’est inspiré de divers récits autobiographiques de femmes ayant vécu cette expérience lors de la Guerre de Sécession, compose ici un ouvrage d’une grande beauté bien que d’une grande violence. Mais la vie, dans les circonstances exceptionnelles, n’est-elle pas violente ? 

Rêves et délires se mêlent jusqu’à nous mener au cœur de la folie même. La cupidité cohabite avec la générosité, les rencontres faites sur le chemin sont souvent hostiles, parfois presque miraculeuses comme tout chemin inconnu, inexploré qu’il nous faudrait défricher pour avancer. Et, au bout, il y aura une fabuleuse séquence finale qui montre toute la terrifiante matière dont la guerre est faite quand elle laisse le champ libre à l’expression des plus noirs instincts.

Un livre magnifique et poignant qui vient d’être récompensé du premier Grand Prix de Littérature Américaine.

Publié aux Editions Actes Sud – 2015 – 262 pages