2.4.16

La renverse – Olivier Adam


Depuis des années, Antoine se tient en retrait du monde dans cet état transitoire, nommé la renverse, où flots montants et descendants de la marée s’annulent pour laisser place à une latence fragile. Retiré dans un village côtier quelconque en Bretagne, il vit une existence effacée, sans gloire, sans éclat, sans relief partagée entre un job de libraire dans une affaire qui vit chichement et une petite amie vis-à-vis de laquelle il n’est pas réellement engagé.

Et puis, un jour, ce fragile équilibre qui n’en a que l’apparence va se trouver remis totalement en cause avec l’annonce à la télévision du décès dans un accident de la circulation de Pierre Laborde. Un politicien, un temps très court devenu Secrétaire d’Etat, maire d’une petite ville de banlieue et qu’Antoine a bien connu. Et pour cause puisque Laborde fut au cœur d’un scandale politico-sexuel, accusé d’avoir violé deux collaboratrices de la mairie avec la complicité active de sa maîtresse qui n’était autre que la mère d’Antoine.

Une disparition qui sonne comme un coup de tonnerre pour Antoine au point de le pousser à tout lâcher, le boulot comme la copine, pour se rendre aux obsèques de Laborde sans vraiment savoir pourquoi. Une urgence, comme nous allons le comprendre, dictée par le besoin inconscient d'enterrer avec le cadavre d’un homme haï celui d’une époque et d’une histoire qui auront brisé Antoine le plongeant dans cet état de non véritable vie. Un moment symbolique pour quitter cette phase de renverse et se reconstruire.

Derrière Laborde se cachent tous ces scandales politiques récents : ceux de Georges Tron et de son fétichisme pour les pieds de ses collaboratrices, ceux de DSK et des femmes qu’il traite comme des objets sexuels, ceux qui font que la classe politique est rejetée par une masse grandissante qui se tourne vers les sirènes maléfiques du FN ou de tout extrêmisme. Mais ce n’est pas là le propos essentiel d’Olivier Adam.

Car derrière la narration détaillée du scandale et de la façon dont il fut habilement circonscrit en se souciant peu des dégâts psychologiques induits auprès des principales intéressées, c’est surtout celui d’une enfance détruite. Celle d’Antoine et de son frère cadet, témoins obligés de turpitudes, d’une lâcheté parentale, d’un père violent et tyrannique manipulé par une épouse perverse et déséquilibrée, victimes de l’ostracisme d’une petite cité où tout le monde s’épie et n’ayant, rapidement, d’autres ressources que la fuite psychique et physique pour tenter, seulement, de survivre à un cataclysme qui les emporte.

Pourtant, on reste un peu en dehors d’un roman qui peine à trouver son souffle et sa structure. La faute sans doute à une écriture qui hésite entre la flamboyance quand elle décrit la Bretagne ou les états d’âme d’Antoine pour sombrer ensuite dans le dépouillement, voire la vulgarité, quand il est, longuement, très longuement, question de narrer par le détail un fait divers et ses multiples rebondissements. Du coup, le roman ne cesse d’osciller entre l’introspectif et le fait divers et aurait sans doute gagné en impact en resserrant sa trame. « La renverse » trouvera donc sa place au palmarès de l’auteur entre le très décevant « Les Lisières » et l’excellent « Peine perdue ».


Publié aux Editions Flammarion – 2016 – 268 pages