22.6.17

Americanah – Chimananda Ngozi Adichie


A trente-sept ans, la Nigérienne Chimananda Ngozi Adichie est devenue une star du monde des lettres. Elle avait d’aileurs fait une entrée remarquée trois ans plus tôt avec un premier roman, ‘L’hibiscus pourpre’, refusé d’abord partout avant de se retrouver sur la liste finale de l’Orange Prize et de gagner le Prix du meilleur roman du Commonwealth !

Americanah, traduit en plus de trente langues, aura été un immense succès de librairie. Il faut dire que tout concourt à en faire un roman mémorable, attachant et dont les facettes multiples lui donnent une puissance indomptable.

Les Nigérians ont un qualificatif pour parler de leurs compatriotes partis tenter leur chance chez l’Oncle Sam : celui d’Americanah. Ifemelu, depuis qu’elle est partie aux USA finir de brillantes études grâce à l’octroi d’une bourse est devenue une Americanah, invention syntaxique qui trouve tout son sens lorsque l’on comprend que la jeune femme tient un blog à succès dans lequel elle décrit avec une langue féroce, caustique mais toujours justement acérée la difficulté pour les afro-américains de trouver leur véritable place dans un pays qui, au fond, ne s’est jamais débarrassée du racisme grâce auquel la nation a fondé sa prospérité initiale et qu’elle continue de pratiquer sous de multiples formes plus ou moins vexatoires, plus ou moins conscientes.

C’est ce marquage inconscient collectif qui forge le fondement d’un roman qui n’hésite pas à foisonner dans de multiples directions. L’histoire d’amour passionnelle qu’aura vécue Ifemelu dans sa jeunesse avec Obinze et dont nous allons suivre les péripéties des années plus tard sert avant tout d’épine dorsale pour montrer l’immense difficulté pour un jeune africain, homme ou femme, même brillant à trouver sa place dans une société blanche, qu’elle soit américaine ou britannique. Elle est là aussi pour nous rappeler le fonctionnement profondément machiste et patriarcal des sociétés africaines prises entre le désir de se moderniser, de s’enrichir, de vivre à l’occidentale tout en conservant des coutumes et des pratiques incompatibles avec des sociétés démocratiques modernes.

Mais Chimananda Ngozi Adichie ne force jamais le trait ni ne cherche à montrer du doigt directement. Elle ne fait qu’attirer notre conscience, par petites scènes souvent cocasses, par allusions drôles, sur la difficulté pour un Africanah à trouver sa place. Il sera toujours et avant tout un étranger africain aux Etats-Unis et un compatriote décalé, définitivement contaminé, s’il lui prenait le désir de revenir au pays. Un exilé permanent en décalage, toujours à la recherche de quelque chose de perdu.

Chimananda Ngozi Adichie signe un livre magnifique, bouleversant et intelligent que l’on pourra lire à de multiples niveaux. Une femme de lettres majeure vient de confirmer son immense talent.


Gallimard – 2017 – 319 pages