10.10.17

Aux cinq rues, Lima – Mario Vargas Llosa


L’un des quartiers les plus fréquentés, les plus fébriles voire les plus inquiétants de la capitale péruvienne est celui dit des « Cinq Rues ». C’est dans cette zone où tous les milieux se côtoient que Mario Vargas Llosa a décidé de concentrer bien des personnages et des moments clé de son dernier roman.

Au Pérou comme ailleurs existe une presse particulière, celle à scandale, version locale des tabloïds britanniques. Bien que toute société humaine soit suffisamment brassée et marginalement perverse pour générer diverses substances nauséabondes faisant le régal de ces torchons, il faut parfois aux rédacteurs en chef et autres journalistes en question grossir le trait, forcer les choses, voire carrément fabriquer de toutes pièces des histoires où se trouvent alors prises au piège des personnalités. Une manière comme une autre de changer les rapports de force pour faire vendre plus ou bien pour pratiquer un chantage aussi lucratif que dangereux.

C’est précisément dans ce scenario que se retrouve embarqué un des principaux représentants du patronat péruvien. L’homme d’affaires aussi respecté que redouté, puissant parmi les puissants, se retrouve au beau milieu d’un scandale sexuel savamment orchestré et relayé par le directeur d’un journal n’ayant aucun scrupule.

S’attaquer à un gros poisson peut toutefois avoir de fâcheuses conséquences si l’on a mal anticipé ou assuré ses arrières car il est rare qu’un homme de pouvoir se laisse attaquer sans réagir.

Conduisant son histoire sur le mode du thriller psychologique et policier, Mario Vargas Llosa décrit et dénonce la façon dont le Pérou fut gouverné sous l’ère désastreuse d’Alberto Fujimori. Collusion mafieuse, détournements de fonds, assassinats politiques et crapuleux, prévarications en tous genres furent les maîtres-mots d’une présidence considérée comme parmi les pires de ce début de siècle par Transparency International. On y observe aussi la manière dont, à l’instar de ce qui se passe ailleurs dans le monde, les classes dirigeantes peuvent se conduire, s’affranchissant des règles morales en vigueur, prêtes à tout pour défendre les acquis, dans une insouciance et une déconnexion du monde que leur isolement luxueux et leur puissance financière permettent d’entretenir. Mais, parfois, une forte alerte retentit dont il est long et difficile de se remettre.

Un livre bien construit, moyennement écrit cependant, qui jette un coup de projecteur sur un pays que nous connaissons plus pour son folklore touristique que pour ses tourments politiques.


Publié aux Editions Gallimard – 2017 – 294 pages