11.11.17

Le jour d’avant – Sorj Chalandon


Le 27 décembre 1974, quarante-deux mineurs disparaissaient tués par un coup de grisou au fond de la fosse 3, dite de Saint-Amé, dans le Nord du côté de Lens. Quarante-deux victimes inutiles emportées par la course au rendement au détriment des plus élémentaires mesures de sécurité comme le montrera l’enquête.

Sur ce fait historique, illustration dramatique parmi tant d’autres d’un mélange de cupidité, de stupidité et d’incurie que couvrit l’auteur comme journaliste à Libération à l’époque, Sorj Chalandon élabore son dernier roman. A ces quarante-deux disparus vient s’en ajouter un autre, Jojo Flavent. Lui décédera un mois plus tard des suites de ses blessures mais sans jamais bénéficier de la mémoire et des médiocres honneurs réservés à ses camarades.

Depuis, son frère cadet, Michel, vit dans le souvenir de son aîné à qui il a voué une sorte de culte. Après s’être procuré les vêtements du mort, il a constitué dans son garage une forme de mausolée morbide à la gloire du et des mineurs. Un lieu où il aime à s’isoler surtout depuis que son épouse est morte emportée par un cancer.

Parce qu’à un moment la douleur est trop forte, Michel laisse son camion de chauffeur routier qui pourtant fait toute sa fierté et repart dans son Nord natal pour enquêter et se venger de ce qu’il considère comme une terrible injustice. Car il est persuadé depuis toujours que tout est de la faute d’un contremaître retors qui fit partie des rares rescapés. Commence un lent travail d’enquête, d’observation et de mémoire. Un travail qui forcera aussi Michel à affronter une réalité qu’il avait inconsciemment masquée et occultée, profondément marqué et entravé par une histoire familiale lourde et par le poids d’un remords, celui d’être vivant à la place du mort, celui d’avoir fui sa prédestination : mineur exploité, étouffant sous les poussières de charbon et promis à une mort anticipée de toutes façons.

Si le livre de Chalandon est un vibrant hommage à un métier de chien et de courage aujourd’hui disparu de nos contrées, il n’en reste pas moins décevant au regard de ses précédentes productions. L’auteur semble un peu toujours à la peine pour trouver le bon style, conserver un souffle narratif. On peut ainsi passer du meilleur (la dernière partie, enlevée et souvent drôle malgré le caractère tragique de ce qui s’y passe) au moins bon (les scènes de café par exemple), voire s’ennuyer légèrement lors de digressions malvenues. Heureusement, la fin apporte une réponse éclairante et inattendue sur un titre jusque-là énigmatique.

Publié aux Editions Grasset – 2017 – 334 pages