6.1.18

Ce qui n’a pas de nom – Piedad Bonnett



Ce qui n’a pas de nom, c’est l’horreur et la stupéfaction qui vous saisissent en tant que parents, proches ou amis d’un jeune homme qui vient de se suicider. Ce qui n’a pas de nom, c’est la maladie mentale qui finira par pousser un garçon brillant à ne pas envisager d’autre solution que de se défénestrer, fuyant ce « quatrième mur » qu’évoquent les psychiatres comme le symbole d’un enfermement mental qui ne peut que se conclure par une mort violente que l’on se donne à soi-même.
Piedad Bonnett, encore en convalescence d’une récente opération chirurgicale, vient de recevoir un Prix littéraire lorsqu’elle apprend, quelques heures plus tard par téléphone, de la bouche de ses filles la nouvelle du suicide de son fils Daniel. Il avait vingt-huit ans. Il était beau, doué d’un réel talent de peintre et parti faire des études d’art et d’architecture à New-York.
Avec une langue dont chaque mot a été pesé à l’aune de la douleur, du besoin de dire et de comprendre, la poète et romancière s’efforce à remonter le temps. Celui où son fils vivait encore, celui où les signes d’un grave désordre mental se multipliaient provoquant une inquiétude de chaque instant chez des parents sans cesse ballottés entre les propos rassurants des thérapeutes et les crises filiales schizophréniques aussi sporadiques qu’inquiétantes et spectaculaires.
Ce récit poignant est à la fois un acte d’amour envers un enfant auquel de grandes promesses artistiques s’ouvraient, un cri de révolte contre l’injustice d’un infime désordre génétique aux conséquences tragiques, un acte cathartique et introspectif pour se défaire de toute responsabilité infondée et réapprendre à vivre en l’absence de celui à qui l’on a donné la vie, dans la souffrance, le sang et la déchirure ainsi que le dit l’un de ses magnifiques poèmes qui fut d’ailleurs lu lors de l’une des cérémonies de funérailles.
Ces pages se lisent avec une émotion de chaque instant, d’un seul trait et sont parmi le plus témoignage qu’une mère puisse faire.
Publié aux Editions Métailié – 2017 – 131 pages