23.1.18

Taba-taba – Patrick Deville



L’obsession littéraire de Patrick Deville, c’est l’observation minutieuse, microscopique des vies de personnages historiques ou de séquences historiques disséquées jusqu’à ce qu’elles n’aient plus le moindre atome à cracher, que tous les points aient été reliés afin de dégager la cohérence globale invisible aux profanes.
Pour son dernier ouvrage, l’auteur emploie la même technique à ceci près que ce qu’il place sous son microscope d’écrivain, c’est l’histoire de sa propre famille. Grâce à des archives familiales miraculeusement conservées depuis 1860, celui qui est aussi un infatigable voyageur se lance sur les routes du monde et les petites routes de France au volant, nous dit-il, d’une Passat break achetée d’occasion et pour l’occasion.
Avec la minutie d’un orfèvre et la patience d’un apothicaire, Patrick Deville explore la façon dont sa propre histoire familiale fut étroitement associée à celle d’un pays qui, pendant un siècle et demi, ne fit que passer de guerre en guerre avant d’être secoué par les attentats terroristes de Daech.
Pour l’auteur, tout commença dans un ancien lazaret sur la Loire, du côté de Saint-Nazaire. Un hôpital transformé au gré des évènements en asile psychiatrique dont son père fut l’administrateur. Un lieu hors du monde où il fut enclos lui-même ayant pour unique camarade un aliéné n’ayant pour tout vocabulaire que la séquence taba-taba qu’il répétait sous la forme d’alexandrins parfaits à longueur de journée.
Déjà, il fallut bien de l’imagination et de vie intérieure pour que le jeune enfant, prisonnier d’une coque qui le maintenait couché afin de le soigner d’une déformation de naissance, apprenne à s’évader.
C’est ce même pouvoir qui, de presque rien, simplement quelques lignes, quelques documents imparfaits, quelques photographies écornées lui permet de reconstruire l’histoire d’une famille, la sienne. Pas le moindre détail ne nous sera épargné avec cette obligation maniaque qui est la sienne de tout dire, de tout raccrocher à des éléments de preuves historiques.
Du coup, le récit est d’une érudition absolue, multipliant les références littéraires et historiques, citant journaux et textes comme s’il en pleuvait de toutes parts. C’est cette même manie qui ne nous épargne pas la moindre halte dans le plus petit hôtel de province, ni le plus bref repas pris en bonne compagnie de l’intelligentsia vernaculaire lesquels nourrissent l’écriture d’un récit qui finit, très vite, par ne passionner que son auteur. Car, disons-le sans ambages : bien que merveilleusement écrit (l’homme a des lettres), le lecteur se perd très vite dans un océan de détails et de personnages qui ne lui parlent guère et l’ennui survient, très – trop – vite.
Voici un taba-taba qui aura fait long feu. Faute d’étincelles, point de flamme pour un ouvrage qui lasse.
Publié aux Editions du Seuil – 2017 – 433 pages